Quels éléments caractérisent une infraction pénale ?
Trois éléments sont requis pour qualifier une infraction pénale : l’incrimination doit être prévue précisément par la loi, l’infraction doit être matérialisée par un fait opposable à la partie poursuivie et la faute pénale doit être imputable. Il est donc nécessaire qu’un lien soit établi entre la faute et l’auteur du dommage. Si ces trois conditions sont réunies, le juge pénal est saisi par le procureur de la République chargé d’établir les réquisitions.
Quels faits engagent la responsabilité pénale des directeurs ?
Les infractions pénales le plus souvent mentionnées en matière de responsabilité pénale des directeurs sont :
- les atteintes à l’autorité parentale (art. 227-5 du Code pénal – CP), en cas de refus du directeur d’un établissement pour enfants de présenter un jeune mineur aux personnes investies de l’autorité parentale ;
- la violation du secret professionnel (art. 226-13 du CP) ;
- la non-assistance à personne en danger (art. 223-6 du CP) ;
- l’homicide ou les blessures involontaires (art. 221-6, 222-19 et suivants du CP) ;
- les violences sur les mineurs ou sur les personnes particulièrement vulnérables (art. 222-14 du CP) ;
- la mise en danger d’autrui (art. 223-1 du CP) ;
- l’escroquerie (art. 313-1 et 2 du CP) ;
- l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse (art. 223-15-2 du CP).
Quelles sont les conséquences de la délégation ?
Selon l’article L.315-17 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), « le directeur peut déléguer sa signature dans des conditions et sur des matières définies par décret ». Le décret du 11 février 2004 précise que pour certains actes de gestion courante, « le directeur d’un établissement public social ou médico-social peut déléguer sa signature au sein de l’établissement qu’il dirige à un ou plusieurs directeurs membres de l’équipe de direction ou appartenant à l’un des corps de directeurs de la fonction publique hospitalière ou à un ou plusieurs fonctionnaires appartenant à un corps ou occupant un emploi classé dans la catégorie A ou, en leur absence, dans la catégorie B ».
La délégation de signature ne transfère pas automatiquement la responsabilité. En cas d’infraction, le directeur devra impérativement prouver qu’il a donné une délégation à un adjoint. Sa responsabilité pourra être retenue s’il est prouvé qu’il n’a pas procuré des moyens matériels et administratifs suffisants au délégant pour remplir sa mission.
Les directeurs sont-ils strictement tenus au « secret professionnel » ?
L’article 226-13 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement d’un an et une amende pouvant atteindre 15 000 euros en cas de révélation d’information « à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ».
Cette sanction ne s’appliquera pas si le but poursuivi est de révéler des privations, des mauvais traitements ou des sévices sur un mineur de 15 ans ou une personne majeure dont l’état physique et/ou psychologique ne lui permet pas d’agir elle-même. Le directeur qui n’aurait pas informé les autorités judiciaires ou administratives de l’une de ces incriminations pourrait être puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (art. 434-3 du CP).
REMARQUE
Les directeurs ne sont pas soumis au secret professionnel à proprement parler, mais à une obligation de réserve
Le non-respect des normes de sécurité entraîne-t-il une mise en cause pénale ?
Le directeur pourra être condamné sur le fondement de « délits non intentionnels » ou « d’homicides involontaires », pour « négligence, imprudence, inattention, manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». La loi du 10 juillet 2000 impose un lien de causalité directe entre la faute et le dommage. En cas de lien de causalité indirect, il s’agira d’une « faute qualifiée » (art. 121-3 du CP).
Ce texte rend donc plus difficiles les poursuites à l’encontre des directeurs d’établissement, puisque la faute qualifiée désigne « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » ou une faute caractérisée exposant « autrui à un risque d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré ». Il s’agit, dans les deux cas, d’un comportement grave et inexcusable.
L’autre apport majeur de cette loi réside dans la séparation des actions civiles et pénales. Selon son article 2, « l’absence de faute pénale non intentionnelle, au sens de l’article 121-3, ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation du dommage ». Le juge civil peut donc prononcer l’indemnisation d’une victime en l’absence de condamnation pénale.
Quelles conséquences a le non-respect des procédures administratives ?
Les articles L.313-21 à L.313-23 du CASF prévoient des sanctions pénales en cas de création, de transformation ou d’extension sans autorisation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (énumérés à l’article L.312-1 du même code).
Une condamnation pénale pourra également être prononcée à l’encontre du directeur en cas de « cession de l’autorisation prévue à l’article L. 313-1 sans l’accord préalable de l’autorité administrative qui l’a délivrée » ou lors « de changement important dans l’activité, l’installation, l’organisation, la direction ou le fonctionnement d’un établissement » soumis à autorisation sans que l’autorité compétente en ait été avertie.
Un directeur pourra aussi être condamné pénalement s’il accueille des personnes âgées remplissant les conditions de dépendance précisées au premier aliéna de l’article L.232-1 du CASF sans avoir signé la convention pluriannuelle avec le président du conseil général et l’autorité compétente de l’Etat (art. L.313-12 du CASF).
Enfin, en matière de gestion, si l’établissement est régi par le droit public, le directeur pourra être condamné pénalement en cas de manquement au devoir de probité (art. 432-10 et suivants du CP). Si l’établissement est privé, les infractions relèveront du droit commun.
Le nombre de plaintes contre les directeurs augmente-t-il ?
De l’avis des juristes, les recours ont tendance à se multiplier. Les poursuites, qui reposaient à l’origine sur de mauvais traitements, évoluent vers la recherche de fautes moins flagrantes, comme le manque de personnel ou de moyens dans l’établissement.
Un directeur d’établissement pour personnes âgées a par exemple été récemment condamné à cinq mois de prison avec sursis pour homicide involontaire, suite à un incendie qui avait occasionné la mort de treize personnes. Il n’avait pu invoquer qu’inutilement le manque de personnel et de moyens (TGI Bobigny, 21 janvier 2004).
Autre cas, en novembre 2005, un directeur de maison de retraite dans le Bas-Rhin a été condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis pour « violence sur personne vulnérable » par le tribunal correctionnel de Strasbourg. Il avait giflé une personne handicapée mentale souffrant d’épilepsie. Il a plaidé, en vain, la légitime défense, invoquant le besoin de protéger une autre pensionnaire, menacée par la crise d’épilepsie de son voisin.
Un établissement peut-il être pénalement poursuivi ?
La responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée suite à une défaillance de ses représentants (art. L.121-2 du CP). Cette responsabilité n’exclut toutefois pas « celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ».
Les motifs pour lesquels les établissements sanitaires et sociaux peuvent être poursuivis sont :
- l’homicide et les violences involontaires (art. 221-7 et 222-21 du CP) ;
- le délit de risque de mort causé à autrui (art. 223-2 du CP) ;
- l’expérimentation médicale illicite (art. 223-9 du CP) ;
- les discriminations (art. 225-4 du CP) ;
- les atteintes à la vie privée et à la représentation de la personne (art. 226-7 et 226-9 du CP) et les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques (art. 226-24 du CP).
Les sanctions sont l’amende, la fermeture de l’établissement, l’interdiction d’émettre des chèques, la publicité donnée à la condamnation, l’interdiction d’activité ou la dissolution. L’article L.313-16 du CASF, introduit par l’article 41 de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, prévoit les cas où « le représentant de l’Etat dans le département prononce la fermeture, totale ou partielle, provisoire ou définitive, d’un service ou établissement dans les conditions prévues aux articles L.313-17 et L.313-18 ».
Quelles sont les conséquences d’une condamnation pénale pour un directeur ?
Dans le cadre de la lutte contre la maltraitance envers les personnes âgées, la loi du 2 janvier 2002 a mis en place un régime d’incapacité professionnelle. Par exemple, l’article L.133-6-1 du CASF prévoit, en cas de condamnation pénale au titre d’un acte de maltraitance, l’incapacité à exploiter et à diriger un établissement ou d’être employé par lui.
Comment prévenir la mise en cause de la responsabilité pénale ?
Plusieurs solutions peuvent permettre à un directeur d’établissement de prévenir la mise en cause de sa responsabilité : mettre en place des groupes de pairs afin de confronter les pratiques et d’échanger des expériences ou encore accroître ses compétences et ses connaissances par le biais de la formation continue.
Il serait par ailleurs souhaitable d’obtenir quelques précisions juridiques, car certaines dispositions restent particulièrement floues. C’est le cas de l’arrêté interministériel du 6 août 1996 relatif à la protection contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements de santé et les institutions sociales et médico-sociales publics. Si ce texte prévoit que le directeur est tenu de désigner un responsable de la sécurité pour chaque site, la délégation de pouvoirs n’est pas clairement mentionnée.
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