Câest par un vote solennel public que les sĂ©nateurs ont adoptĂ© en premiĂšre lecture la version modifiĂ©e du projet de loi relatif Ă l’organisation et Ă la transformation du systĂšme de santĂ© le mardi 11 juin 2019 : 219 pour, 93 contre et 23 abstentions. Le parcours du texte a Ă©tĂ© agitĂ© entre les partisans et les antis libertĂ© dâinstallation des mĂ©decins, mais lâincitation lâa emportĂ© sur la coercition. La suppression du numerus clausus a finalement Ă©tĂ© votĂ©e, avec modifications (art. 1er). Au chapitre de lâincitation, les sĂ©nateurs ont maintenu la proposition de la commission des affaires sociales dâexonĂ©rer de cotisations sociales les jeunes mĂ©decins qui sâinstallent, en excluant toutefois du dispositif les zones dans lesquelles est constatĂ© un fort excĂ©dent en matiĂšre d’offre de soins (art. 4bis).
Lutte contre la désertification médicale
Six millions de Français vivent aujourdâhui dans un dĂ©sert mĂ©dical et les sĂ©nateurs veulent rĂ©soudre les inĂ©galitĂ©s territoriales dâaccĂšs aux soins. Trois mesures relatives Ă la formation des professionnels ont ainsi Ă©tĂ© insĂ©rĂ©es pour agir contre la dĂ©sertification mĂ©dicale :
- les objectifs gĂ©nĂ©raux des formations de santĂ© intĂšgrent l’objectif de rĂ©partition Ă©quilibrĂ©e des futurs professionnels sur le territoire (art. 1er),
- pour dĂ©terminer le nombre dâĂ©tudiants reçus en 2e et 3e annĂ©es de premier cycle, le critĂšre des besoins de santĂ© du territoire primera sur celui de la capacitĂ© dâaccueil des facultĂ©s (art. 1er),
- la pratique ambulatoire en autonomie est inscrite en derniĂšre annĂ©e dâĂ©tudes pour les Ă©tudiants de troisiĂšme cycle de mĂ©decine gĂ©nĂ©rale et dâautres spĂ©cialitĂ©s dĂ©finies par dĂ©cret, en prioritĂ© dans les zones caractĂ©risĂ©es par une offre de soins insuffisante (art. 2).
Deux autres dispositions complĂštent lâapport du SĂ©nat :
- la contribution des mĂ©decins Ă la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s territoriales dans lâaccĂšs aux soins devra ĂȘtre nĂ©gociĂ© dans le cadre de la convention nationale entre les mĂ©decins et lâassurance-maladie (art. 4bis A),
- les maires pourront saisir le Conseil de lâordre de situations de carence mĂ©dicale dont il aurait connaissance sur leur territoire afin dâouvrir la possibilitĂ© de recrutement de mĂ©decins adjoints (art. 5).
Renforcement du numérique
La commission des affaires sociales a modifiĂ© lâambition numĂ©rique contenue dans le texte pour accĂ©lĂ©rer la gĂ©nĂ©ralisation du dossier mĂ©dical partagĂ© et de lâespace numĂ©rique de santĂ© (ENS) pour chaque usager tout en protĂ©geant les donnĂ©es contenues dans lâENS, notamment dans le cas de la conclusion dâun contrat de protection complĂ©mentaire en matiĂšre de couverture des frais de santĂ© ou dâautres contrats Ă visĂ©e commerciale. En sĂ©ance, les sĂ©nateurs ont exclu de ce dispositif dâinformation et dâaccord exprĂšs du titulaire de lâENS, les contrats relatifs aux services et outils numĂ©riques rĂ©fĂ©rencĂ©s dans lâespace numĂ©rique en santĂ© et qui poursuivent une finalitĂ© limitĂ©e Ă la prĂ©vention, au diagnostic, aux soins et au suivi social et mĂ©dico-social (art 12).
Les sĂ©nateurs ont Ă©galement insistĂ© sur lâinteropĂ©rabilitĂ© des logiciels, services et outils numĂ©riques en santĂ©, « enjeu crucial si nous ne voulons pas prendre encore dix ans de retard », a estimĂ© le rapporteur, Alain Milon. Le cadre dâinteropĂ©rabilitĂ©, proposĂ© en commission, pour le secteur du numĂ©rique en santĂ© a Ă©tĂ© confirmĂ© en sĂ©ance, avec trois points modifiĂ©s (art. 12 A) :
- le remplacement de la procĂ©dure de certification des hĂ©bergeurs de donnĂ©es de santĂ© par une attestation de conformitĂ© aux rĂ©fĂ©rentiels d’interopĂ©rabilitĂ© dĂ©livrĂ©e dans des conditions dĂ©finies par dĂ©cret en Conseil dâĂtat,
- les conventions d’objectifs et de gestion des branches de la sĂ©curitĂ© sociale deviennent des outils de contractualisation par lesquels les diffĂ©rents acteurs de la prĂ©vention et des parcours de soins pourront ĂȘtre encouragĂ©s Ă se mettre en conformitĂ© avec les rĂ©fĂ©rentiels d’interopĂ©rabilitĂ©,
- un dĂ©lai de trois ans et demi est consenti pour la mise en Ćuvre des outils incitatifs, la date butoir Ă©tant fixĂ©e au 1er janvier 2023.
HĂŽpitaux de proximitĂ© et rĂ©partition de lâoffre de soins sur ordonnances
Alors que le rapporteur regrette le « renvoi trĂšs large Ă des ordonnances ou dĂ©crets, sur le contenu desquels [le SĂ©nat] a encore peu d’Ă©clairages prĂ©cis, [et qui] laisse beaucoup d’interrogations en suspens », les sĂ©nateurs ont adoptĂ© les articles habilitant le gouvernement Ă lĂ©gifĂ©rer par ordonnances :
- en matiĂšre dâhĂŽpitaux de proximitĂ©, pour en fixer les missions et lâorganisation ; ces Ă©tablissements sans plateau technique lourd proposeront des activitĂ©s de mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, de gĂ©riatrie et de rĂ©adaptation, de lâimagerie et de la biologie ainsi que de la chirurgie sur autorisation strictement encadrĂ©e. Le gouvernement espĂšre labelliser de 500 Ă 600 de ces nouvelles structures dans le cadre du plan Ma santĂ© 2022. AgnĂšs Buzyn a dĂ©clarĂ© que « cette organisation [âŠ] permettra de recrĂ©er des liens entre la mĂ©decine de ville et la mĂ©decine hospitaliĂšre. ». Les sĂ©nateurs ont, notamment prĂ©vu lâĂ©largissement des missions des hĂŽpitaux de proximitĂ© Ă la tĂ©lĂ©santĂ© (art. 8) avec un plateau obligatoire ouvert aux mĂ©decins libĂ©raux. La mission ne devra pas doublonner avec les Ă©quipements prĂ©vus par les communautĂ©s professionnelles territoriales de santĂ© (CPTS), a prĂ©venu AgnĂšs Buzyn ;
- en vue de rĂ©former le rĂ©gime des autorisations des activitĂ©s de soins, notamment dans un objectif de meilleure rĂ©partition territoriale de lâoffre de soins (art. 9), une adoption sâest justifiĂ© Alain Milon pour ne pas « retarder la rĂ©forme », pour laquelle la concertation a dĂ©jĂ commencĂ©.
Structuration de lâoffre de soins
Le SĂ©nat ne sâest donc pas opposĂ© Ă la crĂ©ation dâun collectif de soins et Ă la structuration de lâoffre dans les territoires. Il a admis le schĂ©ma proposĂ© pour les groupements hospitaliers de territoire (GHT), sans modification majeure mais en ajoutant une possibilitĂ© dâarticulation entre les GHT et les Ă©tablissements et services mĂ©dicosociaux publics. Ces derniers pourront ainsi « ĂȘtre associĂ©s au projet mĂ©dical partagĂ© des groupements hospitaliers de territoire auxquels ils ne sont pas parties » (art. 10bis AA).
Des dispositifs dâappui aÌ la population et aux professionnels pour la coordination des parcours de santeÌ complexes sont mis en place entre acteurs des secteurs sociaux, mĂ©dico-sociaux et sanitaires. Ils intĂšgreront notamment les reprĂ©sentants des usagers, du conseil dĂ©partemental et des communautĂ©s professionnelles territoriales de santeÌ. Leurs conditions dâapplication feront lâobjet dâun dĂ©cret. Ils se substitueront aux dispositifs et expĂ©rimentations en vigueur (art. 7bis AA).
ThÚmes abordés



