Michael Coghlan CC by Flickr
Un amendement au projet de loi relatif à la biodiversité, visant à inscrire le préjudice écologique dans le code civil, a été voté en seconde lecture, le 15 mars, par l'Assemblée nationale.
Ma Gazette
Sélectionnez vos thèmes et créez votre newsletter personnalisée
Un très long parcours semé d’embûches. Telle est l’image qui vient à l’esprit lorsqu’on pense à l’inscription dans le code civil de la notion de préjudice écologique. En janvier, le Sénat avait introduit un article, dans le projet de loi relatif à la biodiversité, selon lequel « toute personne qui cause un dommage grave et durable à l’environnement est tenue de le réparer ». Mais, le 1 er mars, à la surprise générale, en commission du développement durable, le gouvernement a déposé un amendement qui exonérait de toute responsabilité les auteurs d’atteinte à l’environnement résultant d’activités autorisées, déclenchant un véritable tollé de la part des associations de protection de l’environnement et de certains juristes spécialistes de ces questions. La secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité, Barbara Pompili, a été contrainte de retirer cet amendement.
Fausse nouveauté
Le nouvel amendement voté le 15 mars en seconde lecture par les députés n’est toutefois pas une « révolution juridique », comme aiment à le clamer les députés de la majorité, mais il permet de consacrer dans la loi l’existence jurisprudentielle de ce préjudice, issue de l’arrêt « Erika » rendu par la Cour de cassation le 25 septembre 2012. En effet, cet arrêt reconnaissait pour la première fois en droit le préjudice écologique en le définissant comme « consistant en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction ».
L’enjeu de la réforme en cours est donc simplement de préciser cette définition, d’abord en introduisant le principe connu du « pollueur-payeur », selon lequel « toute personne qui cause un préjudice écologique est tenue de le réparer », puis en définissant celui-ci comme « résultant d’une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes, ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ».
Elargissement du droit d’agir
Cette définition emporte comme conséquence un élargissement du droit d’agir en réparation. En effet, si la précédente version du texte ne prévoyait qu’un droit d’action restreint aux seules associations de protection de l’environnement agréées, l’action en réparation du préjudice écologique, telle qu’elle a été votée le 15 mars, est désormais ouverte « à l’État, au ministère public, à l’Agence française pour la biodiversité, aux collectivités territoriales et à leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi qu’à toute personne ayant qualité et intérêt à agir ».
Quant au délai de prescription de l’action en réparation, il a été fixé à 30 ans, « à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice », sans pouvoir dépasser 50 ans. Mais une dernière question se pose : comment cet élargissement de la réparation du préjudice écologique sera-t-il conciliable avec la sécurité juridique du développement économique, comme l’exige l’article 6 de la Charte de l’environnement ? Le Conseil constitutionnel sera donc seul juge en la matière, mais cette question réserve, pour le préjudice écologique, un nouvel obstacle à franchir !