Dans les vives confrontations entre le Gouvernement et les syndicats autour de la loi El Khomri, le sujet du compte personnel d’activité (CPA) passerait presque inaperçu même si la CFDT notamment insiste sur cet acquis. Les sénateurs viennent même de le rayer du projet de loi examiné en première lecture…
Pourtant, chercheurs et acteurs associatifs sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à cet outil, qui revisite la mise en œuvre des droits sociaux, telle qu’elle est pratiquée depuis 1945, en l’adaptant à une société du chômage de masse et de pluriactivité.
Un nouvel instrument d’une société de l’engagement
Pour le Mouvement associatif, à l’origine d’une conférence-débat sur ce thème, le CPA est de plus un outil pour favoriser l’engagement citoyen, en bénévolat ou en volontariat.
« En déconnectant trajectoire professionnelle et droits sociaux des individus, le CPA peut être un des nouveaux instruments d’une société de l’engagement », souligne Marie Lamy, en charge des questions juridiques au Mouvement associatif. « En effet, l’engagement bénévole serait mieux pris en compte à l’intérieur d’un compte personnel d’activité », a précisé Martin Richer, co-auteur d’une note récente du think tank Terra Nova sur ce thème. « Nous l’avons rédigé sous la forme d’un essai de politique-fiction, en nous projetant en 2030, date à laquelle le CPA aurait déjà plusieurs années d’ancienneté ! » Un conte pour un compte en quelque sorte.
Compte social personnel universel
La vision de Terra Nova s’appuie sur les travaux de chercheurs comme Robert Castel (qui a parlé le premier de droits de tirage sociaux) et d’Alain Supiot (qui évoque les nouvelles formes de l’emploi), mais aussi sur la perspective de la réduction du temps de travail et de l’éclatement de l’emploi.
« Nous nous sommes demandés comment intégrer tous les segments de la vie professionnelle et d’engagement dans un seul endroit, que nous avons appelé le compte social personnel universel », poursuit Martin Richer.
Concrètement, cette forme de CPA serait un compte individuel, chargé de différentes strates de droits sociaux : droits garantis (santé, famille), droits de dotation (formation), droits accumulés (chômage, RTT, compte épargne temps) et droits liés à l’engagement. Il est rechargeable tout au long de la vie, rattaché à un individu et pas à un statut.
Il est aussi fongible, puisqu’on peut faire passer les droits d’une strate à une autre, comme ceux liés à la pénibilité vers la formation.
Il faut aller plus loin
« Aujourd’hui, le CPA est une coquille vide. Le projet de la loi El Khomri se limite à réunir le compte épargne temps, le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité. Il est évident qu’il faut aller plus loin, dans la mesure où le travail n’a plus la réalité qu’il avait au XXe siècle », regrette Martin Richer.
Jean-Éric Hyafil, membre du Mouvement français pour un revenu de base, a ainsi indiqué qu’un revenu minimum d’existence pouvait participer à l’autonomie et à l’engagement de chacun. « Cela dit, les expériences qui ont eu lieu à l’étranger, aux Etats-Unis ou en Finlande, ne permettent pas de dire si la création de ce type de revenu a favorisé l’engagement associatif », concède le chercheur.
Le conseil régional d’Aquitaine doit lancer prochainement une initiative autour d’un revenu de base, en espérant que le secteur associatif en tire quelques profits…
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