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A Poitiers, le projet de réaménagement du centre d’incendie et de secours a été primé plusieurs fois pour ses efforts en termes de réemploi de matériaux.
[Poitiers (Deux-Sèvres) 90 300 hab.] Située au cœur du quartier de la gare de Poitiers, l’ancienne caserne de Pont-Achard va devenir un pôle d’activités à vocation écologique, sociale et solidaire. D’une surface d’environ 5 000 mètres carrés, ce futur tiers-lieu, dont la livraison est prévue en février 2026, apportera plusieurs nouveaux équipements à la ville : des bureaux pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire et de la transition écologique, des ateliers pour la filière écologique et créative, une auberge de jeunesse, un bar-restaurant… Des logements pour les femmes victimes de violence et les migrantes en situation de régularisation compléteront cet ensemble immobilier.
Réutilisation maximale
Ce projet se distingue par l’effort considérable déployé en termes de réemploi de matériaux. Les chiffres impressionnent : « Ce sont 400 tonnes de matériaux qui ont pu être récupérées, soit l’équivalent de 20 000 mètres cubes d’eau et 260 tonnes de CO2 économisés », témoigne Brice Kester, architecte sur ce projet.
Dans le gymnase du site mis à disposition par la ville, 90 matériaux différents ont été recensés. « Des sanitaires ou des radiateurs en fonte ont pu être réutilisés, mais aussi des plaques de métal de faux plafonds destinées à fabriquer des grilles pour l’extérieur, ou des morceaux d’escaliers en hêtre afin d’aménager de manière visuelle et acoustique le futur bar-restaurant », détaille Brice Kester.
Le reste du réemploi provient de sites extérieurs. Par exemple, des plaques de métal issues de la découpe de pièces agricoles seront employées sur les façades pour faire grimper des plantes. Mille traverses de chemin de fer en béton ont aussi été rachetées à la SNCF afin d’aménager le parvis et la cour intérieure. Ces traverses permettront de créer un dallage galbé, qui laissera s’infiltrer l’eau de pluie. « La maîtrise d’œuvre avait l’objectif d’aller chercher des matériaux sur d’autres sites : c’est un effort nouveau et important », souligne Thomas Delannoy, directeur de projet de la SEP, maître d’ouvrage délégué sur ce projet.
Architecture circulaire
Pour les trouver, l’agence d’architectes Duclos a été aidée par Agathe Bély, de la société La Mécanique des ruines, spécialiste de l’architecture circulaire. Quinze tonnes de matériaux du site ont aussi été réutilisées ex situ : les portes sectionnelles de la « halle aux camions » ont, par exemple, été récupérées par une entreprise de travaux publics de Châtellerault.
Thomas Delannoy considère que le sujet du réemploi a été « poussé au maximum » sur ce projet, soulignant une volonté politique forte d’en faire « un démonstrateur de la construction durable ». Un succès, témoignent ses nombreuses récompenses : la caserne a reçu la médaille d’argent de la démarche Quartiers et bâtiments durables en Nouvelle-Aquitaine, le prix du chantier exemplaire en réemploi des trophées Valobat et le label « Bas-carbone ».
Le projet a aussi suscité nombre de questionnements juridiques sur l’achat de ces matériaux, leur transport, leur assurabilité ou leur description dans les dossiers de consultation des entreprises.
Contact : Mathilde Sill, responsable de projet à la SEP, msill@sep86.fr
De la paille hachée ultralocale pour l’isolation
L’agence Duclos a choisi d’isoler les murs de l’auberge de jeunesse et des logements solidaires avec de la paille hachée dans une ossature bois produite par la coopérative Lelo, située à 20 kilomètres de la caserne. Ce matériau biosourcé possède une forte inertie, ce qui permet une diminution de la température intérieure en été.
Sur ce projet spécifique d’établissement de grande hauteur recevant du public, des dispositifs de conception pour éviter la propagation du feu en façade ont été intégrés. Le taux d’humidité des parois supports doit également être mesuré. Une fois ces contrôles assurés, « la durée de vie de cet isolant se compte en siècles », selon Brice Kester, architecte du projet. Au démontage, « la paille peut être réemployée en isolant ou retourner à la terre, pour recouvrir des plants de tomates, par exemple », se réjouit-il.