Tant de transitions à l’œuvre, dont les contours et les horizons restent imprécis. Le mot annonce un futur, l’étymologie en témoigne : transitio, en latin, c’est l’action de passer, le passage.
La transition ne dure pas, elle constitue un moment, une étape. Les mots dérivés attestent de ce caractère éphémère, temporaire, passager : transitoire, transit, transitionnel, transitaire. La transition provoque un entre-deux.
Dans cet état intermédiaire, elle contient l’idée d’une gradation, d’une liaison ménagée. Elle peut s’opérer brutalement – le mouvement, transition entre être assis puis debout, ou sur un mode lent – la vie, transition entre la naissance et la mort.
Considérée à l’échelle de l’humain, la transition bouscule ; elle renvoie à une certaine incertitude, à l’ignorance de ce qu’il adviendra, après le passage. Recélant cette dimension de l’autre côté, d’un autre état, du changement – en mieux ou en pire – elle inquiète.
François Jullien note que la transition « fait trou dans la pensée européenne », l’expliquant par « la séparation étanche des deux temps, de l’avant et de l’après » chez Platon, ou par l’incapacité d’Aristote de « penser l’entre » en tant que tel. Le terme transition « aura tôt fait [d’]enfermer dans un cul-de-sac », poursuit le philosophe.
Pour sortir de l’impasse, il suggère une autre lecture de ce « terme limite » ; et propose le recours à la philosophie chinoise, où Tchouang Tseu envisage le renouvellement continu du monde.
Ainsi la transition peut-elle se concevoir comme une « modification-continuation », inhérente à la condition humaine. L’une « bifurque » et « innove », l’autre « poursuit » et « hérite », chaque terme imbriqué dans l’autre. Ce continuum permet le recul nécessaire pour envisager toute trans-formation comme le passage d’une forme à la suivante.
Un remède à la disruption ?