Le vote de la proposition de loi relative à la protection de l’enfance, ce ne sera pas pour cette fois. Encore. De quoi frustrer Michelle Meunier, la sénatrice PS (Loire-Atlantique) auteure, avec Muguette Dini (ex-sénatrice UDI) d’un rapport dressant l’état des lieux de la loi de mars 2007 en juin 2014 qui a servi de base à la proposition de loi : frustrées par les quelques minutes qu’il a manqué, mercredi 28 janvier, pour que les sénateurs étudient la demi-douzaine d’amendement sur les deux derniers articles de la proposition de loi, empêchant le vote du texte – un nouveau report alors que l’étude du texte a commencé le 11 décembre 2014 -, mais frustrée également par les neuf articles retoqués par les sénateurs.
Pas de Conseil national de la protection de l’enfance mais le « projet pour l’enfant » renforcé
Voulu pour donner un nouveau souffle au dispositif actuel, le Conseil national de la protection de l’enfance a été rejeté par les sénateurs. « Ça ne se comprend pas », se désole la sénatrice qui voit dans cet outil un moyen d’homogénéiser les pratiques locales des départements.
Les points concernant l’adoption, qui prévoyaient une réforme de l’adoption simple (article 12) et un extension des cas de ré-adoptabilité aux enfants adoptés et admis en qualité de pupille de l’État (article 14) ont également été retoqués.
Même la secrétaire d’État chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l’Autonomie Laurence Rossignol a rappelé que cette PPL n’était « pas un texte sur l’adoption ». Il faut quand même proposer « autre chose » aux enfants qui ne pourront pas retourner dans leur famille. « Il faut reconnaître que certaines familles ne pourront pas les reprendre. C’est le nœud de la question de l’adoption », indique l’auteur du texte.
Mais pour sortir de la vision « familialiste » de la protection de l’enfance, le texte propose également le renforcement du « projet pour l’enfant », document qui doit suivre l’enfant pour « garantir son développement physique, psychique, affectif, intellectuel et social ». Un article validé par les sénateurs.
Ce document avait été créé par la loi de 2007 mais n’est pour l’heure utilisé que dans 10% des départements. « Ce n’est pas de la mauvaise volonté mais les travailleurs sociaux ont été formés pour envisager le retour des enfants placés dans leur famille », explique Michelle Meunier. Le développement du projet pour l’enfant doit permettre d’élargir les objectifs du placement.
7 milliards d’euros pour les départements
Âprement débattu, la création d’un médecin référent « protection de l’enfance » a finalement été validée. Elle prévoit que ce médecin fasse le lien entre les différents services – services départementaux, médecins libéraux, hospitalier ou scolaire, cellule de recueil… – pour permettre une prévention plus efficace. « Soyons réalistes, nous ne les trouverons pas ! » a néanmoins souligné Jean-Noël Cardoux, sénateur (UMP) du Loiret qui a rappelé les difficultés actuelles des conseils généraux à recruter des médecins.
Sans parler du coût de ces recrutements. Une charge financière également mise en avant sur le sujet de la formation des professionnels, y compris d’agents de l’État (policiers, gendarmes, magistrats…). « Un faux débat » pour Michelle Meunier. « Il y a déjà des médecins dans les départements, pour la PMI, les personnes en insertion sociales, la gestion du handicap… Il suffit de dédier du temps à la protection de l’enfance, il n’y a pas forcément besoin de recruter de nouveau médecins. » De la même façon que, selon elle, les formations sont déjà mises en place, « c’est une question d’organisation ».
L’UMP a néanmoins regretté l’absence d’une étude d’impact de la réforme pour évaluer le coût sur les départements. Aujourd’hui, les départements consacrent chaque année 7 milliards d’euros à la protection de l’enfance, soit à peu près 20 % de leurs dépenses d’action sociale. Et dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, ils ne pourront pas augmenter ce montant. La droite, majoritaire au sénat, n’a d’ailleurs pas indiqué si elle voterait ou non le texte.
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