Depuis quand l’exercice libéral à l’hôpital est-il autorisé ?
L’exercice libéral de la médecine à l’hôpital est un droit institué par l’ordonnance n ° 58-1198 du 11 décembre 1958 portant réforme de la législation hospitalière, issue de la réforme « Debré » créant les centres hospitalo-universitaires. L’objectif était de permettre aux médecins exerçant à temps plein de fidéliser la clientèle constituée avant leur recrutement, tout en leur permettant d’obtenir des revenus supplémentaires.
La loi n ° 82-916 du 28 octobre 1982 avait prévu la suppression de cet exercice le 31 décembre 1986, mais la loi n ° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d’ordre social a rétabli cette possibilité, tout en mettant en place les modalités de son contrôle (lire la question n ° 6). L’article L.6154-1 du Code de la santé publique (CSP) précise que dès lors que l’intérêt du service public hospitalier n’y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé (et dans les syndicats interhospitaliers autorisés à exercer les missions d’un établissement de santé) sont autorisés à pratiquer une activité libérale, dans certaines conditions.
Que recouvre l’exercice libéral à l’hôpital ?
L’activité libérale à l’hôpital regroupe les consultations, les actes et les soins en hospitalisation. Elle s’exerce exclusivement au sein des établissements dans lesquels le praticien a été nommé ou, dans le cas d’une activité partagée, dans l’établissement où il exerce la majorité de son activité publique. Les activités exercées à titre principal et à titre libéral doivent être de même nature.
Par ailleurs, la durée de l’activité libérale ne doit pas excéder 20 % de la durée du service hospitalier hebdomadaire à laquelle sont astreints les praticiens. Le nombre de consultations et d’actes effectués au titre de l’activité libérale doit en outre demeurer inférieur à celui de consultations et d’actes effectués au titre de l’activité publique. Enfin, aucun lit ni aucune installation médico-technique ne peut être dédié à l’exercice de l’activité libérale (art. L.6154-2 du CSP).
REMARQUE
Dans les établissements privés participant au service public hospitalier, des praticiens libéraux peuvent intervenir à titre exceptionnel (art. R.6161-5 du Code de la santé publique). Selon l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) (*), cette exception est aujourd’hui très développée dans le Bas-Rhin, à Marseille et dans le bassin d’Arcachon.
Cette activité est-elle soumise à autorisation ?
L’article L.6154-4 du CSP prévoit que les modalités d’exercice de l’activité libérale font l’objet d’un contrat entre le praticien et l’établissement public de santé, qui doit être approuvé (art. R.6154-5) par le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH), après avis du conseil d’administration et de la commission médicale d’établissement. A l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la transmission au directeur de l’ARH, si celui-ci n’a pas fait connaître son opposition, le contrat est réputé approuvé. Cette approbation vaut autorisation d’exercice de l’activité libérale. Ce contrat est établi pour une durée de cinq ans renouvelable. Sa révision et son renouvellement sont soumis à la même procédure de consultation et d’approbation que le contrat initial.
Existe-t-il des activités incompatibles avec une activité libérale à l’hôpital ?
La participation d’un praticien hospitalier à une activité d’intérêt général deux demi-journées par semaine (art. R.6152-30 du CSP) exclut l’exercice de toute activité libérale. Il s’agit d’activités intérieures ou extérieures à l’hôpital présentant un caractère d’intérêt général au titre des soins, de l’enseignement, de la recherche, d’actions de vigilance, etc. Elles peuvent donner lieu à rémunération. Dans le cas où la durée d’activité d’intérêt général effectivement exercée est inférieure à deux demi-journées par semaine, le praticien peut exercer une activité libérale pour une durée réduite à due concurrence.
Un praticien hospitalier peut-il exercer une activité libérale en ville ?
Un praticien hospitalier ne peut exercer une activité libérale en ville, même si son activité hebdomadaire est réduite (art. R.6152-46 du CSP). L’activité libérale autorisée dans le cadre d’un contrat ne s’exerce qu’à l’hôpital. Le 3 septembre 2007, le Conseil d’Etat ( n ° 295344) a par exemple confirmé le refus des instances ordinales de permettre à M. A. d’exercer son activité privée dans le cadre d’une société d’exercice libéral unipersonnelle à responsabilité limitée. Selon les juges, l’article R.4113-3 du CSP, qui interdit le cumul de l’exercice à titre individuel et celui au sein d’une société d’exercice libéral, « ne s’entend pas exclusivement de l’exercice à titre libéral, mais recouvre également l’exercice salarié d’un médecin dans un établissement de santé ».
Quelles sont les modalités de contrôle de l’activité libérale à l’hôpital ?
Les médecins autorisés à exercer une activité libérale à l’hôpital sont soumis à un contrôle permanent à trois niveaux : par la commission d’activité libérale instituée dans chaque établissement public de santé où s’exerce une activité libérale, par l’assurance maladie et par l’administration fiscale. Une Commission nationale de l’activité libérale siège auprès du ministre chargé de la santé.
Les commissions d’activité libérale et la commission nationale peuvent, sous réserve du respect du secret médical, demander toute information utile sur l’activité libérale d’un praticien, notamment communication des statistiques de son activité qui sont détenues par les organismes de Sécurité sociale compétents (art. L.6154-5 du CSP). L’ordonnance n ° 2003-850 du 4 septembre 2003 prévoit que les organismes gestionnaires d’un régime de base d’assurance maladie peuvent communiquer au directeur et au président de la commission de l’activité libérale de l’établissement public de santé dans lequel le praticien exerce les informations sur ses recettes, le nombre de ses consultations et le volume des actes qu’il effectue (art. L.6154-3 du CSP).
Fin 2006, l’Igas a dressé un constat sévère des commissions de l’activité libérale des hôpitaux. L’Igas et certaines ARH ont par exemple eu à déplorer que la présidence de ces commissions soit assurée par un praticien hospitalier directement concerné par l’exercice libéral (*).
Quelles sont les procédures de sanction en cas de non-respect des obligations ?
L’ordonnance n ° 2003-850 du 4 septembre 2003 prévoit que les ARH peuvent suspendre, voire retirer les autorisations de contrat d’activité libérale. Cette compétence était auparavant dévolue aux préfets.
La commission de l’activité libérale ou la direction départementale des affaires sanitaires et sociales peut saisir l’ARH, qui a la possibilité de suspendre le praticien ou de lui retirer son autorisation d’exercice libéral, lorsque celui-ci méconnaît les obligations qui lui incombent en vertu des lois et règlements, et les dispositions du contrat. Le ministre chargé de la santé, saisi dans le cadre d’un recours hiérarchique des contestations relatives à une décision de suspension ou de retrait, doit statuer après avis de la Commission nationale de l’activité libérale (art. L.6154-6 du CSP).
A l’hôpital, le patient a-t-il le libre choix de consulter en secteur public ou privé ?
Les patients peuvent choisir le secteur dans le cadre duquel ils veulent être soignés. L’article R.6154-7 du CSP rappelle que « pour tout acte ou consultation, le patient qui choisit d’être traité au titre de l’activité libérale d’un praticien reçoit, au préalable, toutes indications quant aux règles qui lui seront applicables du fait de son choix. En cas d’hospitalisation, il formule expressément et par écrit son choix d’être traité au titre de l’activité libérale d’un praticien ». Toutefois, dans son rapport sur les dépassements d’honoraires (*), l’Igas a relevé que ses interlocuteurs régionaux « insistaient sur le fait que les rendez-vous des consultations privées seraient accordés avec des délais plus courts que ceux des consultations publiques, incitant de fait le patient à privilégier la consultation privée et consentir par avance au dépassement lorsqu’il est demandé ».
En cas d’exercice libéral, quelle redevance doit le praticien à l’hôpital ?
Le décret n ° 2006-274 du 7 mars 2006 prévoyait le versement d’une redevance à l’hôpital par le praticien, d’un montant variable selon les actes, la spécialité et le secteur hospitalo-universitaire. L’article 1 avait notamment fixé, pour le calcul de la redevance, un pourcentage soit du tarif pris en charge par l’assurance maladie dans tous les cas où l’acte en relève, soit du montant effectif des honoraires perçus par les praticiens pour les actes n’en relevant pas. Mais ces dispositions ont été annulées par le Conseil d’Etat le 16 juillet 2007 ( n ° 293229) pour méconnaissance du principe d’égalité (lire La Gazette Santé-Social n ° 33, p. 53).
Que le praticien choisisse de percevoir directement ses honoraires ou qu’il laisse l’établissement public de santé les recouvrir pour son compte, il doit fournir au directeur de l’établissement un état récapitulatif de l’exercice de son activité libérale, qui permettra de calculer la redevance qu’il doit acquitter (art. R.6154-3 du CSP). Si le praticien perçoit directement ses honoraires, il acquitte chaque trimestre la redevance. Lorsque c’est l’établissement qui recouvre les honoraires, il les reverse mensuellement au praticien et prélève trimestriellement le montant de la redevance.
Combien de praticiens hospitaliers exercent une activité libérale ?
L’Igas a souligné en 2007 que « les praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale dans les établissements de santé publics sont 4 212 en 2004, soit 11 % des praticiens pouvant prétendre statutairement à une activité libérale » (*). Six disciplines concentrent à elles seules deux tiers des effectifs : chirurgie générale et orthopédique, gynécologie obstétrique, ophtalmologie, radiologie, cardiologie et ORL. Un tiers de ces praticiens exercent en secteur 2 et peuvent donc pratiquer des dépassements d’honoraires.
Toujours selon l’Igas, « le taux de dépassement des honoraires est de 98,5 % pour l’ensemble des disciplines en secteur 2 [.]. Peu de praticiens exercent en secteur 2 à l’hôpital public, mais leurs taux de dépassement sont en moyenne deux fois plus élevés que ceux de leurs confrères exerçant dans les établissements privés ».
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