Le concept de « cohésion sociale » est fondé en 1893 par Émile Durkheim pour « rendre compte des différents mécanismes qui permettent au tout social de tenir » (Pierre Boisard).
Quand l’ordre social ne tient sa cohérence, « ni des dieux, ni de la tradition », explique François Dubet, l’intégration et la solidarité prennent le relais.
Une socialisation par le sentiment d’appartenance, le partage de valeurs et de croyances, « l’habitus » de Bourdieu. Ou par l’institutionnalisation des demandes sociales et la création de droits sociaux dans un État-providence. Ou le mélange des deux.
Délaissée près d’un siècle, la cohésion sociale revient, note Caroline Guibet Lafaye, avec « l’expansion de la mondialisation économique et financière » et ses conséquences sociales quand les difficultés d’intégration, la « désaffiliation » de Castel, menacent l’unité sociale dans ses relations d’interdépendance.
En 2000, le sommet de Lisbonne l’intègre comme troisième axe de la stratégie économique européenne ; en 2004, le Conseil de l’Europe la définit comme « la capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, à minimiser les disparités et à éviter la polarisation » ; en 2005, la France la promeut au nom de la solidarité collective face au chômage et à l’exclusion.
Limitée à la prévention de la pauvreté et à la réduction des inégalités sociales, la cohésion sociale dit la mutation des représentations de la vie sociale.
Exit la « capacité de faire société » (Castel) entre les membres inter-reliés par des liens de solidarité ; subsiste le volet social de politiques publiques inscrites dans la loi du marché. Le passage de la cohésion sociale à la cohésion urbaine ou des territoires ne témoigne-t-il pas de cela ?