Collectivement, le vieux appartient à une tranche d’âge : octogénaire, nonagénaire, centenaire, 3e, 4e et 5e âge, l’âge d’or ou gris.
Depuis 1985, le mot est officiellement proscrit du vocabulaire des politiques publiques pour ses « connotations négatives de déclin, de déchéance, d’obsolescence ou d’incapacité ».
D’origine latine – vetus – il ne marque pourtant que l’accumulation des années et la non-jeunesse. Il ne dit pas la dégénérescence et la sénilité mais la vie longue et l’histoire, l’expérience et l’autorité. C’est peut-être pour sa proximité avec la perte de la force et la mort prochaine que son usage disqualifie.
Tabou, le nom « vieux » n’est plus employé sans soupçon d’irrespect ou de mépris, suspicion d’insulte ou d’offense. Les esprits conditionnés, bien-pensants, en évitent l’usage dans une société de la performance et de l’activité, de la rapidité et de la productivité, de l’éternelle jeunesse et de la consommation.
Alors qu’« on est socialement vieux de plus en plus jeune et biologiquement vieux de plus en plus tard » (Bernadette Puijalon), périphrases et métaphores « camoufle[nt] les réalités qui dérangent l’esprit » (Gérard Badou) : le vieux, malade ou impotent, isolé et invisible, méchant et aigri, infantilisé, en marge de la société, que nul ne veut devenir.
Non seulement la mise à distance du mot calme la peur, améliore l’image et valorise la personne mais l’appellation alternative, labellisée par la société, invite à adopter le comportement attendu par elle.
Pierre Bourdieu voyait dans l’âge une « donnée biologique socialement manipulée et manipulable ». Le marketing et la silver économie l’ont bien compris. S’il est devenu une valeur sur le marché, dans le dictionnaire, le vieux n’a toujours pas gagné l’estime de tous.
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