Par analogie, la philosophie marxiste en fait une « science » pour orienter le « combat de classe en fonction des objectifs essentiels et des données fondamentales de la situation historique objective » (Lucien Sève).
Par extension, le terme s’entend d’un ensemble d’actions coordonnées, d’opérations et de manœuvres habiles, de ruses et d’allocation de ressources en vue d’atteindre un but précis. Privilégiant le savoir et la méthode (science) à l’expérience (art), la stratégie envahit la vie économique et sociale.
Dans les années 1970, Bourdieu émet quelques réserves, en insistant sur « le fait que le principe des stratégies […] n’est pas le calcul cynique, la recherche consciente de la maximisation du profit spécifique, mais une relation inconsciente entre un habitus et un champ ».
La stratégie se saisit ainsi dans l’acception d’une globalité éclairant tant une vision cohérente qu’une trajectoire, réclamant une analyse de l’existant et des potentialités. A
lors que le monde moderne emploie le mot à la place de méthode, plan, politique, programme, tactique, Maxence Gaillard invite à ne pas la confondre avec la coordination ou l’organisation. Lui redonner du sens oblige à résoudre la « tension », écrit-il, entre sa justification par une « tradition économique et militaire » et son « contexte de compétition, de lutte, de conflit », et celle par une « tradition plus politique, qui met l’accent sur la valeur des choix collectifs en démocratie ».
Ainsi, dans un « modèle équilibré de gouvernance », la stratégie pourrait-elle « tenir un rôle fédérateur » faisant « de sa préparation un exercice de la rationalité collective et démocratique ».