Composée des verbes deserere (abandonner, négliger) et facere (faire) auxquels s’ajoute le suffixe – atio pour rendre compte de l’action, la désertification signifie « l’action de rendre un espace à l’abandon ». Un territoire se vide de sa population entraînant la « disparition plus ou moins totale de toute activité dans une région », selon le Larousse en ligne.
Vincent Fromentin explique que l’application du terme au monde médical remonte à 1991, dans la bouche de Michel Debré à propos de la « chute des hôpitaux généraux ». Consacrée dans le rapport du professeur Yvon Berland en avril 2005, la « désertification médicale » est alors jugée « limitée ». L’emploi du mot se répète pourtant, imposant la représentation d’un phénomène naturel et inévitable.
La désertification médicale n’est-elle pas l’écho de la désertification des campagnes, apparue dès 1850 ? L’usage se fige et évoque la démédicalisation de certains territoires de santé, résultat d’une action – ou d’une inaction – politique, suggérant une fatalité irréversible. Les ressorts psychologiques d’un mythe catastrophiste sont activés.
Employé à gogo, le concept de désertification, symptôme d’une dégradation définitive, empêche de poser les enjeux sociologiques, économiques, anthropologiques et territoriaux de l’accès à la santé au sens de l’organisation mondiale de la santé. Il valide a priori toute stratégie de transformation d’un système supposé à bout de souffle.
Analysant la « désertification », fut-elle la manifestation d’une fracture sanitaire, Alain Rey donne « une simple leçon de mots » : c’est la « séparation » d’avec « la communauté humaine », source de rupture et d’exil.
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