Au début du XXe siècle, la gauche française oppose les réformistes, volontaires pour aménager le capitalisme, renforcer l’État-providence et réguler le marché, et les révolutionnaires, partisans de l’abolition du marché et du capitalisme au profit d’un gouvernement populaire.
Le projet réformateur l’emporte avec l’avènement de l’État social, « l’instauration de la Sécurité sociale, le développement des services publics et des équipements collectifs et la mise en place du droit du travail », constate Gérard Mauger. La société devient salariale pour Robert Castel. Cette réforme-là se conforme aux premiers items du Littré : « du mieux dans un changement, la fin des abus ».
Depuis quelques années, le mot a changé de camp. L’opposition réforme/révolution a muté en une nouvelle dualité : réforme/rupture, voire disruption. Largement utilisé par la droite et les néolibéraux, ce nouveau lexique revendique une modernisation et une simplification, jugées inévitables en raison de la mondialisation et de l’apparition des technologies numériques, dans une société individualiste.
Il renvoie aux autres sens du dictionnaire : « la mise hors-service des effectifs, des chevaux ou des armes de l’armée, la diminution du nombre des employés d’une administration, et la réduction des dépenses », aujourd’hui publiques. La réforme s’accompagne d’un « fatalisme économique » et d’une remise en question de l’État-providence. Si elle est une « voie de transformation sociale », comme l’écrit Luc Vincenti, cette réforme-ci tiendra-t-elle sa promesse d’amélioration et de progrès ?