« Nous ne sommes pas dans un débat technique mais dans un sujet de société : il s’agit d’organiser l’accès aux soins dans une société en mutation », a d’emblée précisé Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-François (Marne), co-président avec Isabelle Maincion, maire de La Ville-aux-Clercs (Loir-et-Cher) du groupe de travail santé de l’AMF.
De fait, il a beaucoup été question, dans le premier temps consacré à l’offre de soins de proximité, des nouveaux modes d’exercice de la médecine par les jeunes médecins. « Ils ne veulent plus travailler seuls 70 heures par semaine. Ce qui prime, ce n’est plus seulement la carrière ou le salaire c’est la qualité de vie », a témoigné Pierre de Haas, président de la Fédération des maisons et pôles de santé (FFMPS).
Les maisons de santé plébiscitées
Les maisons de santé, plébiscitées tant par les élus que par les professionnels, répondent à ces nouvelles attentes. Il y en avait 174 en 2012, il y en a 800 aujourd’hui, et le gouvernement s’est donné un objectif de 1 200 créations d’ici 2017, a indiqué Anne-Marie Armanteras de Saxcé, directrice générale de l’offre de soins au ministère de la Santé.
Des aides sont également prévues pour la rénovation des centres de santé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans la plupart des cas, cela se passe bien mais il ne faut pas sous-estimer les différences de culture entre les élus et les professionnels de santé, a indiqué Pierre de Haas. Au contraire des élus, eux sont dans des temps courts, avec une réflexion basée essentiellement sur le différentiel dépenses/recettes et avec une approche territoriale souvent différente.
Il faut donc prendre le temps de la concertation en mettant en place un comité de pilotage qui permette d’adapter la structure aux besoins du territoire.
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Libérer le numerus clausus
« S’organiser c’est nécessaire, mais, en Vendée, le 2e département touristique de France, on a de plus en plus de personnes et de besoins mais de moins en moins de médecins », a réagi Luc Bouard, maire et président de la communauté d’agglomération de La Roche-sur-Yon. En cause, le numerus clausus qui fait qu’on peut terminer avec 14 de moyenne aux examens comme le fils de Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et ne pas pouvoir exercer, mais également le manque d’obligations qui fait qu’un quart des médecins formés ne pratiquent pas. Il faut les y obliger, indique Luc Bouard, et créer des passerelles pour que ceux qui sont partis se former à l’étranger puissent revenir en France pour exercer.
Le numerus clausus a été augmenté de 20 % a indiqué Mme Armanteras de Saxcé, mais cela portera ses effets d’ici cinq à dix ans. En attendant, le ministère compte sur les contrats d’engagements civiques pour aider les jeunes médecins à s’installer dans les zones carencées.
Le GHT n’est pas hospitalo-centré
La deuxième partie du débat portait sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) dont l’objectif est, selon les propres mots de Jacqueline Hubert, directrice du CHU de Grenoble et auteur, avec Frédéric Martineau, président de la Conférence des présidents de commissions d’établissement des centres hospitaliers, d’un rapport sur la mise en place des GHT, de garantir que le patient soit toujours au bon endroit quel que soit son mode et son point d’entrée.
Ce que Frédéric Martineau résumait en affirmant « le GHT n’est pas hospitalo-centré. C’est un moyen d’organiser le territoire et de dire qui fait quoi, où et comment ». Si l’un des établissements est le chef de file du groupement, il ne doit pas pour autant en concentrer toutes les fonctions.
Tant les élus que les professionnels ont souligné l’importance du projet médical partagé entre tous les acteurs y compris les patients. C’est cela qui doit servir de ciment au groupement. Or, la date limite fixée au 1er juillet par la loi Santé pour que les GHT viennent remplacer les anciennes communautés hospitalières pose problème.
Frédéric Valletoux, maire de Fontainebleau (Seine-et-Marne) et président de la FHF, se demande si l’on n’a pas mis la charrue avant les bœufs. « Il faut prendre le temps de construire le GHT et donner de la souplesse là où il y a des tensions. Certains territoires sont prêts d’autres ont besoin de plus de temps. Le GHT ne se fera pas sans les élus locaux. On ne va pas les mettre en prison parce qu’ils auront quelques mois de retard ».
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Foutez-nous la paix
De fait, les élus locaux ont une place essentielle que les professionnels de santé reconnaissent bien volontiers. « Les élus locaux, et les maires en premier lieu, ont un rôle majeur à jouer pour tisser des liens entre les acteurs de soins, pour fédérer et donner une égale reconnaissance à chacun. La mise en œuvre des GHT ne doit pas compromettre l’équilibre parfois fragile entre les acteurs », n’a pas manqué de souligner Lamine Gharbi tout en rappelant que les cliniques ont réalisé ce qui est proposé au travers des GHT il y a plus de vingt ans. Ce qui s’est traduit par une réduction par deux du nombre d’établissements sans incidence sur l’emploi.
Estimant qu’avec 180 milliards, la santé disposait de suffisamment de moyens, il a indiqué que la priorité était de mieux les répartir. « Foutez-nous la paix ! L’organisation on sait faire », a-t-il lancé à l’adresse de l’administration.
Dans un style plus policé, Jean-Pierre Bouquet a conclu que les GHT seraient ce que les hommes en feraient et que si le calendrier pouvait sembler contraint, c’était aussi une motivation pour mettre en œuvre les changements que chacun appelle de ses vœux.
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