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Ce dispositif, lancé par l’État après la tempête Alex, reste expérimental, alors que la question de l’adaptation du bâti existant apparaît essentielle pour diminuer les coûts des dommages.
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L’essentiel
- Trois départements ont bénéficié du dispositif expérimental « Mieux reconstruire après inondation », dit Mirapi.
- Objectif : inciter les sinistrés à mettre à profit les travaux de réparation pour réduire leur vulnérabilité aux inondations.
- À quand un Mirapi qui offrirait un guichet unique pour adapter globalement les habitations au changement climatique ?
Le dispositif déployé par l’État pour aider financièrement les sinistrés des inondations survenues dans le Pas-de Calais fin 2023 et début 2024, à protéger leurs habitations de la montée des eaux, est sans précédent : 4 020 diagnostics de vulnérabilité du bâti aux inondations ont été réalisés et 2 540 demandes de subvention pour des travaux ont été enregistrées en dix-huit mois selon la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), un record. « Les sinistrés avaient jusqu’au 1er septembre 2025 pour déposer un dossier d’aide, mais nous avons encore un an pour demander les versements de soldes. Sur notre territoire, 2 000 habitations ont été impactées, ce qui représente 6,7 % de la population », détaille Agnès Boutel, directrice du syndicat mixte pour l’aménagement et la gestion des eaux de l’Aa (SmageAa).
Le Pas-de-Calais est l’un des trois départements avec les Alpes-Maritimes et les Landes à avoir bénéficié du dispositif expérimental « Mieux reconstruire après inondation », dit Mirapi, créé par la loi de finances pour 2021. Ce dispositif comporte deux phases, d’abord un diagnostic puis, si le propriétaire le souhaite, des travaux de réduction de la vulnérabilité. L’État l’a lancé après la tempête Alex du 2 octobre 2020, dont les pluies diluviennes qui se sont abattues sur les vallées de la Tinée, la Roya et la Vésubie dans les Alpes-Maritimes ont fait dix morts et huit disparus et impacté 420 maisons dont 180 ont été détruites.
Réduction de la vulnérabilité
Objectif de l’expérimentation : inciter les sinistrés à mettre à profit le temps des travaux de réparation de leurs habitations, pour en réduire la vulnérabilité aux inondations.
Le dispositif Mirapi s’adresse aux propriétaires d’habitations endommagées et couverts par une assurance avec la garantie CatNat, parce que leur commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle. Il apporte un soutien financier via les crédits du fonds Barnier, en complément des indemnités d’assurance. La DGPR chiffre son coût dans le Pas-de-Calais par exemple, entre 20 et 25 millions d’euros, alors que toutes les aides n’ont pas encore été versées. Un financement spécifique et exceptionnel de 100 % pour l’installation de batardeaux et de clapets anti-refoulement était proposé, quand ces équipements étaient préconisés par un diagnostic de vulnérabilité.
Le dispositif Mirapi pourrait être étendu en 2025 à certains départements comme le Rhône, la Loire, l’Ardèche et l’Île-de-France touchée par d’importantes inondations l’hiver dernier, nous a confié la DGPR. Un rapport d’information du Sénat publié en septembre 2024 (1) recommande de le généraliser dès 2026, mais cela ne semble pas être l’option retenue par le ministère de l’Écologie. Pourtant, la facture des travaux chez les particuliers inondés, qui s’élève à 12 000 euros en moyenne selon la Caisse centrale de réassurance (CCR), devrait exploser avec la multiplication des évènements extrêmes, si l’on continue à rebâtir à l’identique après la catastrophe, comme c’est encore trop souvent le cas. « Dans le Pas-de-Calais, l’argent a été débloqué par les assurances pour réparer les dégâts sur les habitations avant que la démarche Mirapi soit en place », regrette Marie Evo, directrice du Centre européen de prévention du risque inondation (Cepri). « Les gens ont donc reconstruit le plus souvent à l’identique. Une sinistrée qui souhaitait que sa chaudière soit réinstallée en hauteur a dû subir deux inondations pour avoir gain de cause ». Absurde.
Mirapi réservé aux particuliers
« Nous avons sur notre territoire une école située en zone rouge du plan de prévention du risque inondation (PPRI) de la commune de Peyrehorade, qui a été inondée quatre fois parce qu’elle n’est pas protégée par des digues », expose Xavier Som, responsable du pôle aménagement du territoire de la communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans (Landes). « La première fois, sa remise en état nous a coûté plus de 150 000 euros. Nous avons mis en place des batardeaux ». Sauf que l’année suivante, l’eau est passée par les canalisations d’assainissement. La communauté de communes a alors mis en place des clapets anti-retour. « Nous avons investi 30 000 euros dans l’urgence, mais sans avoir de réflexion d’ensemble sur le bâtiment », poursuit Xavier Som. Depuis, nous nous sommes engagés dans la mise en place d’un programme d’actions de prévention des inondations (Papi), ce qui va nous permettre d’obtenir un soutien financier pour la réduction de la vulnérabilité de nos bâtiments, ce qui n’est pas le cas avec Mirapi qui est réservé aux particuliers ».
Certes, les programmes d’actions de prévention des inondations (Papi) prévoient des mesures de réduction de la vulnérabilité. Mais elles ont peu de succès. « Nous avons équipé 70 personnes en dix ans dans le cadre du Papi », observe Agnès Boutel. De fait, il est plus difficile de convaincre les personnes exposées à faire des travaux alors que le phénomène d’inondation date de plusieurs mois ou années. A fortiori lorsque le territoire est protégé par des digues.
« Partout sur le territoire national on voit que les habitants d’un territoire épargné depuis longtemps par l’inondation pensent paradoxalement être protégés », poursuit Marie Evo. Ce fut le cas dans le Pas-de-Calais. La crue bicentenale de janvier 2024, a prouvé le contraire. « Grâce à Mirapi, nous avons quasiment touché tout le monde et la démarche d’adaptation du bâti est enclenchée », analyse Agnès Boutel. « Nous en sommes à 1 800 demandes de diagnostic, en deux ans. Vu l’ampleur de l’évènement, un tel dispositif était indispensable. Nous notons toutefois qu’il a privilégié la quantité à la qualité. Les diagnostiqueurs, souvent pressés par le temps, n’ont pas toujours pu échanger en profondeur avec les habitants pour affiner les propositions et s’assurer de leur bonne compréhension. Un dialogue plus approfondi aurait permis d’améliorer la pertinence de l’adaptation du bâti ». C’est ainsi que des batardeaux auraient été préconisés pour des maisons inondées par des remontées de nappes et non par du débordement de cours d’eau. « Mirapi est un dispositif d’expérimentation. À quand un Mirapi qui offrirait un guichet unique aux habitants pour qu’ils adaptent leur habitation globalement au changement climatique ? Un « Mon accompagnateur rénov’ » qui parlerait aussi inondation ? La démarche telle qu’elle est proposée aujourd’hui permet d’avancer mais ne suffit pas », remarque Marie Evo.
Les Landes sont le second département à avoir bénéficié du dispositif Mirapi. Certaines collectivités y ont connu quatre inondations successives en 2018, 2019, 2021, 2022, dont les deux dernières à un mois d’intervalle. 288 diagnostics de vulnérabilité y ont été réalisés et 140 dossiers de travaux ont été déposés. Une dizaine seulement sur le territoire de la communauté de communes du Pays d’Orthe et Arrigans où 400 maisons sont exposées au risque de débordement de cours d’eau. « Les gens étaient en attente de digues ou de bassins écrêteurs. Il a fallu leur expliquer que de tels aménagements seraient inutiles sur notre territoire, trop d’eau arrive des Pyrénées, et que c’est à eux de prendre en main leur protection », constate Xavier Som, responsable du pôle aménagement du territoire. Alors, une fois le dispositif Mirapi clôturé, les élus, accompagnés par le Cepri et son expert en psychologie sociale et environnementale Oscar Navarro, ont choisi de continuer à miser sur le développement de la culture du risque au sein de la population et la coconstruction, pour aboutir à une connaissance partagée du danger et ancrer une nouvelle façon de le prévenir. « Une dizaine de citoyens experts, très engagés sur le sujet, relaient la nécessité de se protéger auprès des habitants, qui ont à nouveau la possibilité d’adapter leurs biens, un Papi ayant été lancé », conclut Xavier Som. « Les premières réunions publiques ont eu lieu à la fin du mois de septembre 2025 ».
Qu’est-ce que c’est ?
Céder à l’inondation, c’est l’une des deux stratégies possibles d’adaptation du bâti au risque inondation. Résister consiste à l’aménager pour empêcher l’eau d’entrer, avec des batardeaux par exemple. Céder c’est accepter l’inondation, mais avoir pris différentes mesures pour faciliter le retour à la normale en réhaussant notamment les réseaux électriques.






