Jean-Michel Blanquer ; Pap Ndiaye ; Gabriel Attal : derrière chacun de ces ministres de l’Education nationale depuis 2017 « se cache la main du président de la République, Emmanuel Macron, car c’est en réalité lui qui est à la manœuvre », tranchait en octobre 2023 le maire (PS) de Lomme (Nord), Olivier Caremelle, interrogé sur celui qui détenait alors le portefeuille, et a été nommé mardi 9 janvier 2024 à Matignon.
Le profil de celle qui succède au nouveau Premier ministre amène à anticiper une répétition du scénario. Car rien ne prédestinait l’ex-ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra, dont le périmètre a été étendu jeudi 11 janvier à l’Education et à la Jeunesse, à atterrir dans ce secteur.
Double tutelle : celle du chef de l’Etat et celle du Premier ministre
A bientôt 46 ans, le parcours de cette énarque, issue de la même promotion Léopold-Sédar-Senghor que le président de la République, s’était partagé entre la Cour des comptes, le monde du tennis – ancienne joueuse professionnelle, elle en a dirigé la Fédération française (FFT) – et deux incursions dans le monde de l’entreprise privée, dans l’assurance – Axa – et la grande distribution – Carrefour. Jusqu’à sa nomination en mai 2022 à la tête d’un ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Son périmètre est désormais élargi… sous une double tutelle, en tout cas, de facto : celle du chef de l’Etat, qui a explicitement fait de l’éducation son « domaine réservé », comme il l’a officialisé en août 2023 dans l’hebdomadaire Le Point(1). Et maintenant aussi celle du chef du gouvernement. « J’emmène avec moi, ici, à Matignon, la cause de l’école, la mère de nos batailles, qui doit être au cœur de nos priorités et à qui je donnerai tous les moyens d’action nécessaires pour sa réussite », a ainsi tenu à préciser Gabriel Attal lors de la passation de pouvoirs avec Elisabeth Borne. Une intention réitérée jeudi 11 janvier au journal télévisé de TF1.
Traduire les annonces en actes
Il est dès lors improbable que la nouvelle ministre amorce un changement de cap. Cela signifiera donc pour elle devoir avant tout concrétiser les multiples annonces de l’hyperactif Gabriel Attal au cours de ses moins de six mois passés rue de Grenelle. Le monde local sera particulièrement attentif à quelques dossiers. Le port de l’uniforme à l’école, car les collectivités ayant candidaté aux expérimentations proposées par l’Etat demeurent en attente de leurs modalités. La sécurité des établissements scolaires, chantier relancé après l’assassinat à Arras (Pas-de-Calais) du professeur de français Dominique Bernard, et inachevé. L’approche pluriannuelle de la carte scolaire, sur trois ans, afin de donner de la visibilité aux élus, est un autre exemple d’engagement, celui-là antérieur au ministère Attal, à traduire sur le terrain. « La carte scolaire qui tombe chaque année sans concertation avec les élus et qui annonce des fermetures de classe, ce n’est juste pas possible ! » avait martelé Gabriel Attal au dernier congrès des maires, en novembre 2023. Intervenant dans le cadre d’un Forum intitulé « L’école se transforme, mais pas sans les maires ! » il avait plaidé pour une « alliance profonde » entre les collectivités territoriales et l’Etat, lançant « L’école et la mairie, c’est une histoire partagée ».
Version Blanquer ou Ndiaye ?
Outre le fond, les élus locaux peuvent s’interroger sur la forme que prendra leur relation avec la nouvelle ministre. Après l’ère Blanquer, dont ils avaient déploré qu’il relègue les collectivités au rang de « simples prestataires », selon le mot du référent Education de l’Association des petites villes de France (APVF), le maire (divers gauche) de Trilport (Seine-et-Marne) Jean-Michel Morer, ils avaient apprécié l’écoute de Pap Ndiaye, lequel avait constitué une « instance de dialogue » entre le ministère et leurs associations. Ils n’ont en revanche pas vraiment eu le temps de faire la connaissance de Gabriel Attal… sinon pour constater la disparition de ladite instance multilatérale, au profit d’échanges bilatéraux. Quid de l’attitude qu’Amélie Oudéa-Castéra adoptera à leur égard ? Au regard du programme qui attend cette dernière jusqu’à début septembre au titre de sa charge olympique, elle risque d’avoir peu de temps à leur consacrer. « On va avoir une ministre à mi-temps, s’inquiète d’ailleurs la secrétaire générale du syndicat enseignant SNES-FSU Sophie Venetitay : l’Education en première mi-temps, les Sports la deuxième. »
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