La situation des détenus sollicitant un aménagement de peine pour raison médicale « est regardée essentiellement sous le prisme de l’offre de soins existante en prison, et non sous celui de la dignité humaine ». C’est la critique contenue dans le rapport « Aménagements et suspensions de peine pour raison médicale », que nous avons pu consulter. Le document, non encore publié, a été élaboré par le groupe de travail interministériel « Santé Justice ». Il a été remis, le 20 novembre 2013, à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, et Christiane Taubira, ministre de la Justice.
A l’unanimité, les rapporteurs recommandent une meilleure prise en compte des détenus en situation de handicap ou souffrant de troubles psychiatriques. De fait, la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades, prévoit la sortie anticipée des personnes condamnées présentant « un état de santé durablement incompatible avec leur maintien en détention ». Mais le rapport pointe du doigt des limites d’interprétation.
Clarification
« La plupart des praticiens, est-il souligné, pensent que la suspension de peine pour raison médicale n’est pas applicable aux troubles de nature psychiatrique. » Le groupe de travail plaide donc pour une clarification de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale. En effet, celui-ci exclut de la suspension de peine les détenus en « hospitalisation » dans un « établissement de santé pour troubles mentaux ».
Les rapporteurs demandent aussi que soit précisé, dans le guide méthodologique de Prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice, « que la suspension de peine pour raison médicale est applicable à l’égard des personnes [handicapées] ».
Il est vrai que la loi de 2002 s’avère diversement appliquée. L’expertise médicale est parfois incomplète : « Les médecins mandatés par le juge ne font pas leur expertise au regard des conditions réelles de détention », déplore François Bès, responsable « Santé » à l’Observatoire international des prisons. En outre, deux expertises médicales, avec des conclusions concordantes, sont exigées. Le rapport préconise de n’en requérir qu’une seule.
« Consensus »
Par ailleurs, le groupe de travail « Santé Justice » propose d’étendre le dispositif aux personnes placées en détention provisoire. Une proposition de loi en ce sens est justement en cours d’examen. Adoptée au Sénat le 13 février, elle a été transmise à l’Assemblée Nationale.
Impossible, pour l’instant, de connaître l’issue donnée à ces deux textes. Cependant, le groupe de travail réunissait plusieurs représentants de la Chancellerie. « Le consensus y était fort, indique une source proche du dossier. La suite relève d’un arbitrage politique. »
Ces propositions pourraient être reprises sous forme d’amendements dans le cadre du projet de loi sur la prévention de la récidive, qui doit être discuté à partir de début avril. « Mais les débats vont être très tendus », prédit Olivier Caquineau, secrétaire général du syndicat pénitentiaire Snepap-FSU.
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