L’instauration de la rétention de sûreté par la loi du 25 février 2008 destinée à retenir les criminels présentant de graves risques de récidive au-delà de leur peine a fait grand bruit. Et depuis, plus rien. Il faut dire qu’en raison de son caractère non rétroactif, la mesure ne s’appliquera qu’à des personnes condamnées à de longues peines à partir de 2008, soit au mieux en 2020. Spécialement conçu pour l’occasion, c’est le centre socio-médico-judiciaire de sûreté Fresnes, d’une capacité de dix places, qui doit accueillir ces personnes non libres, mais plus soumise au système carcéral. On pourrait croire ses couloirs vides, mais c’est ici qu’entre en jeu un deuxième dispositif relevé par Jean-marie Delarue dans son avis : depuis 2012, la législation prévoit qu’un condamné peut faire l’objet d’une surveillance judiciaire pendant la période correspondant à sa réduction de peine. Cette surveillance judiciaire peut elle-même être suivie d’une période surveillance de sûreté soumise au respect d’obligations qui, en cas de manquement, conduit tout droit en rétention de sûreté.
Bases juridiques « incertaines et hasardeuses »
C’est ce qui explique que les équipes du contrôleur général on trouvé en octobre 2013 quatre personnes (arrivées au centre par vague de deux). « Nous avons cherché à savoir si ces personnes justifiaient d’une dangerosité impliquant un risque élevé de récidive. La réponse est non », a martelé Jean-Marie Delarue, qui enfonce le clou en rappelant qu’elles ont toutes été libérées avant trois mois. Pour le contrôleur général, ces deux processus distincts, risque de récidive et manquement à une obligation, aboutissant au même résultats, la rétention de sûreté, « l’institution n’a donc pas placé en rétention les gens forcément les plus dangereux ». Une position qui l’incite à suivre la Cour de Strasbourg, et à penser que les bases juridiques de la surveillance sont « incertaines et hasardeuses ».
« L’inactivité est la règle »
Les équipes du centre socio-médico-judiciaire de Fresnes auraient dû effectuer une prise en charge médicale, psychologique et sociale de ces personnes. Or, « si la prise en charge médicale et les locaux sont tout à fait convenables, nous avons découvert une grave lacune de prise en charge sociale, psychologiques et en matière d’activités proposées » s’indigne Jean-Marie Delarue. Selon l’avis, « l’inactivité des personnes retenues est la règle : rien n’est organisé pour leur occupation […], aucun projet éducatif, aucune activité professionnelle. » En clair tempête-t-il, « ces types s’ennuient comme des rats morts toute la journée. La rétention de sûreté est renouvelable chaque année, mais en l’absence de toute intervention efficace, les personnes n’évoluent pas et le centre socio-médico-judiciaire se transformerait en mouroir si ces presonnes n’en étaient pas sorties ! ».
Une question de statut
Si le faible nombre de personnes concernées peut justifier une faible mobilisation de professionnels, la réponse est aussi à chercher du côté du statut des personnes retenues. Ni détenues ni libres, l’accès aux thérapies de groupe organisées pour les auteurs d’infraction sexuelles à l’unité psychiatrique du centre pénitentiaire de Fresnes à été refusé par l’administration. Dès lors, livrées à elles-mêmes, difficile d’espérer une quelconque évolution des personnes retenues.
Avec le temps, de plus en plus de personnes seront concernées par la rétention de sûreté. Outre de sérieux doutes émis quant au bien-fondé de la rétention de sûreté appliquée aux personnes coupables de manquements aux obligations de la surveillance, c’est à une réelle clarification des statuts et à un « sérieux enrichissement » de la prise en charge que Jean-Marie Delarue appelle. Les ministère de la justice et de la santé, interpellés par le Contrôleur général mi-janvier n’ont pas encore livré leur réponse.
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