La marche vers l’accessibilité s’annonce éprouvante. Plus de trois ans et demi après la publication de la loi «handicap», il reste difficile d’obtenir des informations sur le nombre de commissions communales d’accessibilité créées. Encore plus sur leur fonctionnement effectif. Mais, au-delà de la constitution des CCA, l’urgence est de passer aux étapes suivantes, en particulier l’état des lieux de l’existant. «Il faut créer des lignes budgétaires pour 2009. Trois ans sont déjà passés depuis la loi de février 2005 et rien n’a encore été budgété», alerte Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France (APF).
«Nous sommes beaucoup plus sollicités depuis la loi de février 2005, notamment par l’ensemble des autorités publiques pour l’élaboration des schémas directeurs d’accessibilité qui ont pris beaucoup de retard, indique pour sa part Thierry Jammes, président de la commission accessibilité du Comité national pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes [CNPSAA]. Les élus sont un peu perdus. Ils ont le sentiment que l’on va leur faire démolir la ville.»
Les diagnostics d’accessibilité des communes peuvent être réalisés soit en interne, idéalement en partenariat avec les personnes handicapées (lire le témoignage), soit par un cabinet. «Le problème, c’est qu’il existe peu de cabinets spécialisés et, aujourd’hui, ils sont complètement débordés», témoigne Jacques Hesnard, responsable de la mission handicap à Nanterre (Hauts-de-Seine), l’une des premières villes à avoir fait réaliser un audit.
Tous les handicaps
Il apparaît également nécessaire de compléter l’information sur les spécificités des différents handicaps : seules celles du handicap moteur sont en général connues, notamment grâce à la mobilisation ancienne de l’APF sur ce sujet. Le CNPSAA s’apprête donc à publier son « Recueil des besoins des déficients visuels dans le cadre bâti, le transport public et l’aménagement des voiries », guide qui devrait être disponible courant novembre 2008.
L’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) conçoit, elle, un guide pratique d’accessibilité et de développement du pictogramme «S3A» (Symbole d’accueil, d’accompagnement et d’accessibilité). Créé en 2000, ce pictogramme permet d’identifier les établissements ayant réalisé un effort d’accessibilité à destination des personnes handicapées mentales et, plus largement, de toute personne qui pourrait rencontrer le même type de difficultés, telles les personnes âgées ou illettrées.
Absence de contrôle
«Les principaux problèmes qui se posent pour les personnes handicapées mentales concernent la lecture, la compréhension, le repérage dans le temps et dans l’espace, la prise de décision, la communication, détaille Sandrine Paniez, responsable de projet accessibilité à l’Unapei. Il faut que l’on puisse répondre à ces difficultés.»
«La force de ce guide sera de servir de référence pour la prise en compte du handicap mental, complète Christelle Moulié, responsable du service vie sociale. Les établissements et les entreprises qui réalisent les diagnostics sont demandeurs de ce type d’expertise.»
Des organismes comme le Comité de liaison pour l’accessibilité des transports, du cadre bâti et du tourisme (Coliac) ou le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu), qui vient de finaliser un document d’aide au diagnostic, sont un autre appui méthodologique. «Nous avons travaillé sur l’ensemble de la chaîne de déplacement et sur les interactions entre l’espace privé, la voirie, les établissements recevant du public et les transports, explique Bernard Fiole, responsable du programme « Ville accessible à tous » au Certu. Nous préparons cet outil depuis 2006 en nous appuyant sur des formations-actions menées avec certains de nos réseaux locaux et des collectivités.» «Il ne s’agissait pas de dévoiler une méthode unique, mais un ensemble de points de vigilance, de questions à se poser pour réaliser un diagnostic qui respecte l’esprit de la loi et soit efficace pour le maître d’ouvrage», résume Laurent Saby, concepteur du guide.
Reste la question toujours épineuse des moyens financiers, certaines communes ne disposant pas des ressources suffisantes pour réaliser un audit. Et lorsque celui-ci a été effectué, même partiellement, les coûts de mise en accessibilité sont énormes (lire l’encadré Chiffres). Définir des priorités apparaît alors indispensable. «Le problème, c’est que l’on ne sait pas forcément à quoi donner la priorité, déplore Jacques Hesnard, à Nanterre. Ni les associations ni l’Etat ne se prononcent.» «Il y a un manque de volonté que les choses se fassent réellement, déplore Jean-Marie Barbier. Nous demandons aujourd’hui que l’on mette en place une agence ayant les moyens de contrôler ce qui se fait.»
Ni compensation ni aide
Beaucoup réclament également une plus grande lisibilité en matière de diagnostic. « Comme il s’agit d’un marché très juteux, beaucoup d’entreprises s’y sont engouffrées, souligne Thierry Jammes, du CNPSAA. Certaines nous demandent de les former gratuitement une fois qu’elles ont remporté le marché !» «Tous les audits ne sont pas réalisés selon les mêmes critères, il n’y a pas de garantie de cohérence, remarque Gilles Germain, chargé de mission accessibilité à la délégation Ile-de-France de l’APF. Les obligations relèvent par ailleurs de la responsabilité de différents acteurs, mais aucun lieu de cohésion n’existe.»
Enfin, regrette Jacques Hesnard, «les villes sont en première ligne pour la mise en accessibilité, or elles ne disposent d’aucune compensation ni aide».
Un ensemble de contraintes qui fait redouter à beaucoup d’observateurs une mise en accessibilité parcellaire.
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