«Boom », « explosion », « révolution », les observateurs n’ont pas de mots assez forts pour décrire l’incontestable essor du secteur des services à la personne depuis deux ans. On comptait 5 500 structures agréées en 2005. Elles sont aujourd’hui deux fois plus à exercer l’une des 21 activités listées à l’article D.129-35 du Code du travail, de l’entretien de la maison à l’assistance informatique en passant par la garde d’enfants à domicile.
Cette récente évolution est d’abord à mettre sur le compte du plan « Borloo » de développement des services à la personne, et de la loi du 26 juillet 2005 qui en est issue. Pour créer de l’emploi tout en répondant à de nouveaux besoins sociaux, ce plan a mis en chantier différentes réformes, comme la simplification de la procédure d’agrément (lire l’encadré), qui ont accéléré la croissance du secteur. La volonté des pouvoirs publics de favoriser le maintien à domicile des personnes dépendantes, réaffirmée en 2006 dans le cadre du plan Solidarité grand âge, a également contribué à cet essor.
Dans ce secteur, l’emploi direct par les particuliers reste majoritaire, représentant encore 76 % des heures travaillées à domicile en 2005. Une « mauvaise nouvelle pour les publics fragiles », selon un observateur. « Ce qui entretient les compétences des intervenants et prévient la maltraitance, c’est le collectif », souligne Brigitte Croff, consultante en services de proximité. Du côté des structures proposant un service prestataire, le principal changement induit par ces politiques publiques réside moins dans le nombre de nouvelles entités agréées que dans leur statut juridique. Jusqu’en 2004, 80 % des organismes agréés étaient en effet des associations et 12 % des centres communaux d’action sociale (CCAS). Or, depuis deux ans, l’allégement de la procédure d’agrément a facilité l’accès au secteur des entreprises commerciales, qui représentent désormais 35 % des structures.
Même si le champ de l’agrément qualité destiné aux publics fragiles reste pour le moment dominé par les acteurs de l’économie sociale (seulement 15 % des entreprises y sont positionnées), la concurrence est donc là, et bien là. « Pour le secteur associatif, qui a longtemps évolué dans un univers protégé, c’est un profond bouleversement », observe ainsi Anne-Marie Besse, directrice de l’Institut de développement des activités de proximité (Idap).
Professionnalisation
Selon Christophe Pelletier, responsable qualité à l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), l’arrivée dans le secteur de nouveaux acteurs ne fait qu’accentuer un phénomène de fond : « Les personnes atteintes par l’âge, le handicap et la maladie sont aujourd’hui contentes qu’on les aide, tout simplement. Mais la génération suivante, plus marquée par le consumérisme, sera aussi plus exigeante. La question de la qualité va donc devenir un outil de différenciation majeur entre les structures. »
Expérience, réseau, légitimité : pour relever ce nouveau défi, le secteur non lucratif a évidemment de nombreux atouts à faire valoir. Mais, comme le souligne Patrick Kanner, président de l’Union nationale des CCAS, il ne pourra pas compter seulement sur son histoire : « Si nous voulons continuer à exister dans ce paysage recomposé, nous devons poursuivre nos efforts de professionnalisation et augmenter encore nos exigences de qualité. »
Certification
Avec, en 2002, la création du diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale et, en 2004, l’accord de branche sur la formation professionnelle pour les salariés de droit privé, le secteur a déjà accompli d’incontestables progrès. Un mouvement souvent soutenu par les conseils généraux, soucieux de garantir la meilleure qualité de service aux bénéficiaires de leurs prestations sociales. « Depuis 2001, nous avons mobilisé un million d’euros pour la formation des aides à domicile, par le biais de contrats d’objectifs et de moyens signés avec les associations », rappelle Sylvie Doucerain, responsable de la mission « aide à domicile » au conseil général de l’Eure.
Mais selon Brigitte Croff, il reste bien du chemin à faire. « On a mis l’accent sur la formation des salariées à bas niveau de qualification, mais pas assez sur celle de leurs encadrants, souligne-t-elle. Du coup, le secteur souffre d’un manque cruel de compétences en matière de gestion des ressources humaines. » Peu valorisées par leurs structures, les salariées les plus qualifiées auraient aujourd’hui tendance à fuir vers le secteur du gré à gré.
Pour soutenir la professionnalisation des structures, les grands réseaux d’aide à domicile disposent néanmoins d’un autre levier : l’accompagnement vers la certification. Le réseau ADMR se donne ainsi trois ans pour amener ses 3 200 associations vers la certification Afnor « Services aux personnes à domicile », tandis que les deux tiers des adhérents de l’UNA sont déjà engagés dans la démarche. Pourtant, l’Idap a récemment montré (*) que peu d’organismes de services à la personne sont réellement familiarisés avec la notion de démarche qualité. Depuis sa création, en 2000, la norme Afnor n’a d’ailleurs été accordée qu’à 121 structures.
Rôle des départements
« Le renouvellement des agréments qualité, qui doit intervenir dans trois ans, à l’issue d’une évaluation externe, risque donc de poser problème. D’autant que la moitié des structures ne font partie d’aucun grand réseau susceptible de leur fournir un appui », s’inquiète Anne-Marie Besse, qui encourage les conseils généraux à soutenir les démarches de certification, « pour garantir la permanence d’une offre de qualité sur tous les territoires ».
- 65 % des organismes de services à la personne relèvent du secteur non lucratif
- 6 000 places en services de soins infirmiers à domicile seront créées tous les ans jusqu’en 2010.
- 10 897organismes de services à la personne étaient agréés en septembre 2007.
Sources : ANSP, ministère de la Solidarité.