Hausse du chômage, pouvoir d’achat en berne, crise financière. En cette rentrée 2008 plutôt morose, un secteur semble se distinguer par son dynamisme économique, celui des services à la personne. Dans un rapport publié en septembre, l’inspectrice générale des finances Michèle Debonneuil souligne en effet que le « défi » lancé en 2005 par le plan « Borloo » de développement des services à la personne – créer de l’emploi tout en répondant à de nouveaux besoins sociaux – a été « relevé ».
Ce plan et la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 qui en est issue ont mis en place des leviers pour stimuler le développement du secteur, notamment de nouvelles aides fiscalo-sociales et une simplification de la procédure d’agrément des prestataires de services. 236 000 emplois ont ainsi vu le jour entre 2006 et 2007. Depuis 2005, le nombre de structures agréées a quasiment triplé, passant de 5 500 à 15 000.
Emulation
Selon Michèle Debonneuil, la stratégie amorcée en 2005 n’en est pourtant « qu’à son début », le potentiel de développement du secteur restant très important. D’où l’annonce début octobre par le secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi, Laurent Wauquiez, du lancement prochain d’un deuxième plan. Dans son discours sur l’emploi du 28 octobre, le chef de l’Etat a ainsi évoqué la mise en place d’une avance sur le crédit d’impôts perçu par les consommateurs de services, une mesure déjà préconisée dans le rapport « Debonneuil ». « Au moment où le chômage repart à la hausse et où le revenu de solidarité active, censé encourager l’accès à l’emploi des moins qualifiés, se met en place, renforcer les aides publiques au secteur est sans doute la meilleure chose à faire », remarque le directeur de l’Agence nationale des services à la personne (ANSP), Bruno Arbouet.
Les services à domicile appelés, une fois de plus, au chevet d’une économie en berne ? Les opérateurs ne s’en plaindront pas. En 2005, les associations, qui représentaient 80 % des organismes agréés, et les centres communaux d’action sociale (CCAS, 12 % des structures) avaient manifesté leurs craintes face à la « libéralisation » du secteur induite par le plan « Borloo ». Mais trois ans plus tard, et malgré l’entrée en force des entreprises, qui sont désormais 35 % des acteurs, les opérateurs historiques en redemandent.
« Ce plan, en plaçant les services à domicile sous les feux de la rampe, nous sert aussi, reconnaît Pierre Demortière, directeur du développement de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles [UNA]. L’arrivée des entreprises a créé une émulation, qui nous a non seulement permis de consolider notre cœur de métier, l’intervention auprès des publics fragiles, mais aussi de développer de nouveaux services en direction du grand public. » Une croissance de l’activité qui a permis à l’UNA de créer « 5 000 à 10 000 » emplois chaque année depuis trois ans.
Même son de cloche du côté de l’Union nationale des CCAS (Unccas), où l’on reconnaît que le plan et « les mouvements qu’il a créés en interne » ont été « bénéfiques ». « Titillés par la concurrence, les services sont en plein bouleversement culturel, avec un recentrage sur la mission première, qui est l’accueil de tous les publics », se félicite Daniel Zielinski, délégué général de l’Unccas, qui cite par exemple le développement de la garde d’enfant et du soutien scolaire.
Qualité des emplois
Mais pour les acteurs de l’économie sociale, le bilan du plan « Borloo » n’est pas seulement positif. Comme le souligne d’ailleurs le rapport « Debonneuil », la professionnalisation, notamment, pose toujours problème. D’importants progrès restent à accomplir pour clarifier l’offre de formation, réduire le temps partiel subi, développer l’apprentissage ou organiser la prévention des risques professionnels.
« Au-delà du nombre d’emplois créés, c’est à présent la qualité de ceux-ci qu’il faut améliorer, en continuant la politique de professionnalisation initiée dans la branche de l’aide à domicile », résume Pierre Demortière. Il souhaite que les pouvoirs publics et les financeurs « reconnaissent le coût » de cette professionnalisation : « Dans le secteur, plus d’un tiers des salariés sont payés au Smic, ce qui pose des problèmes de recrutement et de fidélisation. Or l’avenant signé en juin par les partenaires sociaux, qui augmente les rémunérations dans la branche, n’est pas encore agréé à ce jour. » Selon l’UNA, la même volonté de contenir la masse salariale conduit actuellement les conseils généraux à limiter l’accès à la formation des salariés.
Du côté de l’Unccas, on regrette surtout que les CCAS ne bénéficient pas des mêmes exonérations de charges patronales que les associations et les entreprises. « Les structures publiques, qui accueillent souvent les plus défavorisés, se retrouvent ainsi à proposer des services plus chers que la moyenne, s’indigne Daniel Zielinski. Nous espérons que la transposition en droit français de la directive européenne sur les services mettra fin à cette inégalité. » En attendant, l’Unccas mise beaucoup sur le regroupement de ses services au niveau local, qui doit permettre de réaliser des économies d’échelle pour financer notamment la formation des salariés.
Améliorer la gestion
« Tous les problèmes ne se résoudront pas, de toute façon, à coup de nouveaux financements publics, soutient Bruno Arbouet. Le secteur a aussi des progrès à faire en matière d’organisation et de gestion. » Et le directeur de l’ANSP de vanter le recours au chèque emploi service universel (Cesu), créé en 2005, pour le versement de l’allocation personnalisée d’autonomie (lire La Gazette Santé-Social n° 31-32, p. 35) : « A l’heure où l’on cherche désespérément des solutions pour financer la dépendance, les économies réalisées par les huit conseils généraux qui ont déjà adopté ce nouvel outil de gestion pourraient bien faire des miracles. »
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