En 2018, plus de 52 000 enfants ont été victimes de violences, mauvais traitements ou abandons, et plus de 27 000 plaintes pour violences sexuelles ont été enregistrées. 140 000 enfants seraient exposés à des violences conjugales chaque année. En 2016, 67 enfants sont décédés dans un cadre intrafamilial, dont quatre sur cinq avaient moins de 5 ans. « La situation des enfants en danger est une problématique sociétale majeure », a rappelé le Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), lors d’une conférence de presse organisée le 20 janvier. Et d’ajouter : « La situation sanitaire en 2020 et les différents confinements ont donné lieu à une hausse alarmante des maltraitances infantiles ».
Lors du premier confinement, par rapport à la même période en 2019, le numéro d’appel 119 Enfants en danger a enregistré une augmentation de 56 % des appels avec plus de 30 % d’informations préoccupantes transmises aux cellules départementales de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (Crip).
Néanmoins, tous chiffres ne reflètent qu’imparfaitement la réalité en raison des données manquantes, des biais liés à la définition des informations préoccupantes et à des modalités de comptabilisation distinctes entre les départements. Cette absence d’homogénéisation des procédures induit une inégalité de traitement entre les enfants, et donc une perte de chance.
Homogénéiser les évaluations
« C’est dans ce contexte que nous proposons un cadre national de référence pour les enfants en danger ou en risque de danger, afin d’améliorer les dispositifs de protection de l’enfance », a fait savoir le Pr Le Guludec. Ce travail a été élaboré à la demande de la Direction générale de la cohésion sociale, dans le cadre du plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants, piloté par le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, Adrien Taquet.
« Ce travail répond a de nombreux constat de terrain avec un manque d’outils à disposition des professionnels alors que nous savons que l’évaluation des situations est difficile. Il y a un enjeu de savoirs et de connaissances avec l’utilisation de termes identiques pour une harmonisation du travail », a rappelé Christian Saout, membre du Collège de la HAS. L’objectif est de fournir à chacun des professionnels amenés à évaluer une situation préoccupante les mêmes outils pour une prise en charge optimale de chaque enfant.
Une boîte à outils
Le cadre national de la HAS comprend trois livrets distincts et des outils pratiques.
Le livret 1, destiné aux cadres des Crip, des équipes pluridisciplinaires d’évaluation, de la direction enfance famille, précise les conditions à mettre en place au niveau de la gouvernance afin d’optimiser le recueil et le traitement de l’information préoccupante : formalisation des rôles et formation des professionnels au sein du conseil départemental, identification et définition des articulations avec les partenaires sur un territoire, temps d’échanges entre partenaires, relations entre les conseils départementaux.
Le livret 2, destiné à la fois aux cadres, aux professionnels de terrain ou professionnels de Crip chargés de réaliser les premières analyses et aux évaluateurs, définit le circuit de recueil et de traitement de l’information préoccupante : comment doit se faire sa première analyse ? Comment doit se faire l’évaluation ? Qui fait quoi ? Quels outils mettre en place ?
Enfin, le livret 3 est un guide d’accompagnement destiné aux professionnels chargés d’évaluer une situation préoccupante. Il fournit une méthodologie pour structurer la démarche d’évaluation comme les thématiques à aborder, des exemples de questions à poser, des éléments de repère concernant la bonne santé d’un enfant/adolescent.
Une boîte à outils complète les trois livrets avec divers éléments opérationnels : trame de rapport, conseils pour les entretiens, courriers d’information à destination des parents. « La temporalité de l’enfant ne peut pas être sacrifié lorsqu’il existe un danger. Ce référentiel doit donc être partagé et servir de support à la formation de tous pour apporter de vraies solutions », a soutenu Anne Caron-Déglise, magistrat et membre de la commission sociale et médico-sociale de la HAS.
Le travail de la HAS se poursuivra au-delà la diffusion de ce cadre de référence, avec la mise en œuvre d’un webinaire en mars 2021 et d’un retour d’expérience au bout de douze à dix-huit mois.
Thèmes abordés