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Promu mardi 6 février par la secrétaire d'État à l’Écologie Brune Poirson, le retour de la consigne ne suscite pas l’enthousiasme chez les collectivités, qui ont peur de voir les filières existantes déstabilisées.
Ma Gazette
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Coup de com ou idée de génie ? Oubliée depuis plusieurs semaines, la grande concertation sur l’économie circulaire a resurgi dans le paysage médiatique mardi 6 février grâce à une annonce inattendue. La secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire Brune Poirson a profité de sa visite de l’entreprise Lemon Tri pour lancer l’idée d’un grand retour de la consigne. Et même pour évoquer sa possible généralisation pour les canettes en aluminium et les bouteilles en plastique. Alors que le recyclage des matières plastiques ne dépasse pas 25 % et que le président de la République a promis à de nombreuses reprises de porter ce taux à 100 % dès 2025, la proposition sonne comme un constat d’échec : si les ménages ne font pas l’effort de trier l’ensemble de leurs déchets, peut-être faut-il les y inciter financièrement ? L’analyse avait d’ailleurs déjà conduit les députés à voter « des expérimentations sur la base du volontariat » dans la la loi Transition énergétique du 17 août 2015.
L’extension des consignes de tri fragilisée ?
« Mauvaise idée », martèlent en cœur certaines parties prenantes de la filière du tri et du recyclage. Et lors de la réunion d’experts pilotée par l’Ademe et réunie pour traiter de ce sujet jeudi 1er février, peu de voix se sont fait entendre pour défendre la proposition. « L’enjeu, c’est que l’on avance sans perturber les filières existantes, rappelle Bertrand Bohain, délégué général du Cercle national du recyclage (CNR). Or sur les bouteilles en plastique par exemple, on collecte déjà six à sept bouteilles sur dix. Avec l’extension des consignes de tri, on devrait en capter une voire deux de plus ». Développer la consigne permettrait sans doute d’aller un peu plus loin, mais « en plein milieu de cette extension, cela bousculerait l’équilibre économique du système car dans le gisement capté par les collectivités, il ne resterait que les matières qui ont une faible valeur », poursuit-il, allant jusqu’à se demander si « les consignes ne remettraient pas tout simplement en compte l’extension des consignes de tri ». Et donc l’objectif de 100 % de recyclage qui semble déjà utopique.
Les piles, un cas à part
L’analyse est la même pour le verre où les performances sont déjà plutôt bonnes et où il existe un risque de voir les coûts de collecte augmenter sur les pots et les bocaux si l’on enlève les bouteilles du gisement. A contrario, l’association Zero Waste qui est un grand partisan de la consigne souligne que collecter et laver les bouteilles de manière spécifique permettrait de passer en partie du recyclage au réemploi (ce qui ne serait pas le cas pour les plastiques)… Une conclusion qu’il est difficile de trancher sans étude complémentaire. Les associations de collectivités sont tout aussi dubitatives sur la consigne des canettes et autres métaux d’autant que même ceux qui n’échappent pas à l’incinération peuvent être extirpés des mâchefers a posteriori. Elles sont plus ouvertes en revanche sur la consigne des piles dont les taux de collecte demeurent faibles et qui transitent essentiellement pas des circuits professionnels.
Des propositions alternatives
Ce débat aura au moins le mérite de remettre en avant l’urgence d’aller au bout des discussions qui doivent déboucher sur la feuille de route sur l’économie circulaire proposée par le gouvernement. « Comme d’habitude, on aura quelques décisions symboliques ou sans grand impact, mais aussi des décisions importantes qui vont passer inaperçues », rappelle Bertrand Bohain. Et alors que plusieurs groupes de travail sont encore appelés à se réunir dans les jours qui viennent avant la publication d’un texte début mars, les acteurs du secteur tentent de faire entendre leur voix. Malgré les clivages, certaines idées parfois défendues depuis plusieurs années réunissent d’ailleurs les collectivités, les ONG et les professionnels. « Mieux recycler le plastique passera aussi par la lutte contre l’usage unique », illustre-t-on chez Zero Waste… Une recommandation qui incite à ne pas se focaliser sur l’aval de la filière et à intégrer dans la feuille de route des mesures comme l’adoption d’une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) amont sur les produits non recyclables comme le suggère Amorce, la création de nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs (REP), comme le souhaite le CNR, ou l’instauration d’une TVA réduite sur les produits qui intègrent des matières premières secondaires, comme l’attendent les recycleurs.
En Norvège, les bouteilles en verre ainsi que celles en plastique sont consignées. On est payé en argent liquide pour chaque bouteille déposée dans les machines des supermarchés. Résultat : les villes sont propres et les personnes désirant gagner un peu d’argent ont l’habitude de ramasser les bouteilles qui jonchent les rues.