Chaque partie campe sur sa position, la jugeant plus « durable » que celle de son contradicteur : à l’issue d’une pause de six mois dans la mise en œuvre de son projet d’usine de méthanisation à Romainville, l’Agence métropolitaine des déchets ménagers (Syctom) affirme qu’« il n’y a pas d’alternative sérieuse », tandis que la commune d’accueil plaide pour une solution « plus innovante et plus efficiente ».
Ma Gazette
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Après six mois de moratoire, l’Agence métropolitaine des déchets ménagers (Syctom, 84 communes réparties sur 4 départements, 5,5 millions d’hab.) souhaite « ne pas tergiverser davantage », déclare son président (PS), François Dagnaud.
Le projet d’usine de méthanisation à Romainville a été mis en suspens en février, sous la pression d’une association de riverains. La commune d’accueil a en outre pris ses distances vis-à-vis du projet, défendant un autre process de méthanisation que celui retenu par le syndicat de traitement.
Mettre fin aux exportations de déchets – L’unité doit traiter, à l’horizon 2016, les déchets ménagers produits par 900 000 habitants de 22 communes du nord est de la Seine-Saint-Denis et du 19e arrondissement de Paris.
Elle succèdera à un centre de transfert, créé en 1984 et en fin d’activité, qui réceptionne aujourd’hui quelque 350 000 tonnes par an de déchets, réorientées à 60 % vers l’enfouissement (en Seine-et-Marne) et 40 % vers l’incinération.
Au titre de l’enfouissement de déchets issus de ce territoire, le Syctom acquitte une taxe générale sur les activités polluantes de 4 millions par an, rappelle François Dagnaud.
L’adjoint au maire de Paris en charge de la propreté et des déchets souligne « l’enjeu stratégique » pour ce bassin versant d’accéder à une « autonomie de gestion ».
Le Syctom s’est engagé à mettre un terme aux exportations de déchets en 2016, conformément aux dispositions du Plan régional d’élimination des déchets ménagers et assimilés (adopté par l’Ile-de-France en novembre 2009).
« Garant » et audits – Le semestre écoulé a été consacré à la concertation, sous l’égide d’un « garant » recommandé par la Commission nationale du débat public, et à la réalisation d’audits sur les risques industriels et les impacts environnementaux du site, confiés respectivement à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques et au cabinet Erep.
Ces études « ont validé nos choix », conclut François Dagnaud, jugeant qu’ « il n’y a pas d’alternative sérieuse » au dossier porté par l’agence métropolitaine, dans lequel ont déjà été engagés 28 millions d’euros.
Par ailleurs, l’implantation à Romainville, sur un site dédié depuis un siècle à la gestion des déchets, permet d’utiliser les voies fluviale et ferrée et donc de « réduire drastiquement la circulation de poids lourds dans le ‘93’ », fait valoir François Dagnaud.
Tri à l’usine ou à la source ? – Corinne Valls, maire (DVG) de Romainville, reconnaît la solidité des récents audits, en déplorant qu’ils aient porté sur « la conformité réglementaire du dossier déposé auprès des services de l’Etat et non sur la pertinence du projet, son dimensionnement, sa localisation ».
Or, l’élue considère que « le process n’est pas efficient, il y a des dysfonctionnements dans toutes les usines de France, quel qu’en soit l’exploitant. »
Si elle est partisane de la méthanisation, la maire s’oppose à la phase préalable, le tri mécano-biologique (TMB), qui isole les déchets organiques et méthanisables (40 % de la matière entrante, qui produiront du compost et du biogaz) des déchets inorganiques (60 %, dont la moitié fera l’objet d’une valorisation énergétique et l’autre sera enfouie en centre de stockage de déchets inertes).
Selon elle, c’est à la source que doit s’opérer le tri : « Il faut commencer à travailler à la collecte sélective en porte-à-porte des biodéchets. Une décision en ce sens doit être prise en décembre par la communauté d’agglomération Est Ensemble (9 communes dont Romainville, 400 000 hab.), compétente en matière de collecte. »
Corinne Valls a toutefois conscience que le tri par le citoyen des déchets fermentescibles « prendra du temps ».
300 000 t/an – Au syndicat en charge du traitement, on rappelle que ce secteur de Seine-Saint-Denis trie les emballages et papiers usagés à hauteur de 20 kg/an/hab., contre une moyenne de 31 kg/an/hab. sur l’ensemble du Syctom.
« On ne peut pas attendre le déploiement de collectes séparatives des biodéchets – inexistantes aujourd’hui – pour commencer la méthanisation. En leur absence, la seule façon de traiter les déchets passe par le TMB », argue le président du Syctom.
Selon lui, « « le dimensionnement du site (300 000 t/an) est au niveau des besoins actuels du territoire ».
Ajustements à la marge – L’alternative défendue par la maire de Romainville consiste en une méthanisation recourant à des micro-organismes, procédé développé par des entreprises locales.
Ce dernier accélère la fermentation des déchets, valorisés sous la seule forme de gaz et non de compost. « Il est déjà assez compliqué de trouver des débouchés au compost de boues d’épuration », observe Corinne Valls.
La représentante d’ « un territoire où l’on innove » estime apporter au Syctom « un plan de développement sur un plateau ».
Dans un courrier adressé le 13 novembre au président (PS) d’Est Ensemble, Gérard Cosmes, son homologue du Syctom considère que « la perspective de process non aboutis ne pourra constituer une alternative plausible ».
François Dagnaud escompte que le comité syndical accordera, le 19 décembre prochain, « son feu vert à l’essentiel du projet, qui sera conforté dans son esprit ».
Tout en laissant entrevoir « de possibles évolutions à la marge ».
Le cas de Romainville sera l’un de ceux mis en avant par les organisateurs de la manifestation, ce samedi 17 novembre à Paris, contre le TMB-méthanisation, l’incinération et le stockage des déchets et pour leur « gestion écologique ».
Ce conflit entre le Syctom et un territoire adhérent est aussi révélateur des limites de l’éclatement de la gestion des déchets : collecte et traitement incombent à des acteurs distincts, alors que la définition des unités de traitement – notamment leur dimensionnement – dépend des schémas de collecte.
Le calendrier du projet
- 04 décembre : restitution des conclusions des audits en réunion publique
- 11 décembre : conseil communautaire de la communauté d’agglomération Est Ensemble
- 19 décembre : comité syndical du Syctom
Oublie :
Il est faux d’écrire que c’est sous la pression d’une association de riverains que le projet a été mis en suspend, des élus d’opposition avaient alerté les habitants des alentours lors d’une réunion avec la majorité municipale, ainsi que des blogues Romainvillois. — — AVANT Arivem, Arivem a été le « fédérateur » de ceux qui s’opposent à cette construction en milieu urbain, qu’il en soit remercié !