« Magma de sources juridiques », « usine à gaz »… Les images pour qualifier les textes juridiques publiés fin décembre par la Commission européenne n’ont pas manqué de la part des représentants français du secteur associatif et de l’administration française, à l’occasion du colloque organisé sur les services sociaux d’intérêt général (SSIG) le 2 février 2012.
Pourtant, et c’est le paradoxe, « la Commission européenne affiche un énorme effort de simplification quand dans le même temps les opérateurs français représentés dans le collectif et les collectivités locales reçoivent ces textes comme étant indigestes », souligne Laurent Ghekiere, membre fondateur du collectif SSIG et organisateur du colloque.
Car le paysage des services sociaux est en forte évolution au regard de quatre textes en cours d’élaboration à Bruxelles :
Les règles concernant les aides d’Etat
Porté par le commissaire à la Concurrence, Joaquin Almunia, cet ensemble de règles régit les conditions d’octroi d’une aide publique à des opérateurs qualifiés d’économiques. Il s’agit de s’assurer que cette aide ne fausse pas la concurrence.
Publié le 20 décembre, le texte apporte une large sécurisation juridique pour les services sociaux, puisque la Commission reconnaît désormais une comptabilité a priori des aides publiques, celles-ci ne venant pas fausser la concurrence intracommunautaire.
Les services sociaux sont définis par la Commission comme ceux « répondant à des besoins sociaux concernant les soins de santé et de longue durée, la garde d’enfants, l’accès et la réinsertion sur le marché du travail, le logement social, les soins et l’inclusion sociale des groupes vulnérables ».
Si les aides publiques sont compatibles avec le droit de la concurrence, elles doivent toutefois faire l’objet d’une procédure claire de la part de la puissance publique, à savoir un mandat.
Par ailleurs, les aides versées à des services sociaux sont exemptes de toute notification, même au-dessus du seuil de 15 millions d’euros.
Un point cependant doit être levé : il concerne le seuil « de minimis » à partir duquel une aide est considérée comme une aide d’Etat et donc entraîne une obligation d’établir un mandatement.
Jusque-là fixé à 200 000 euros sur 3 ans, la Commission a annoncé un projet de seuil à 500 000 euros.
Pour les associations, ce seuil est quoi qu’il en soit insuffisant au regard des budgets moyens des associations employeuses. « Il faudrait un seuil de 800 000 euros par an », espère Laurent Ghekiere.
La décision de la Commission est attendue pour le mois d’avril.
Le projet de révision de la Directive marchés publics
Présenté par le commissaire au Marché intérieur, Michel Barnier, le projet de révision confirme lui aussi la reconnaissance des SSIG et notamment l’inadaptation des procédures classiques des marchés publics pour mesurer la qualité des services sociaux.
Le projet d’article 17 devrait permettre de réserver des marchés publics à des acteurs impliqués dans le travail auprès de personnes défavorisées (et pas seulement handicapées comme jusqu’à présent).
Le projet d’article 76 devrait sécuriser également davantage les procédures adaptées.
Ce texte doit être adopté par le Parlement et la Commission dans le cadre de la codécision courant 2012.
La proposition d’une directive Concession
Il s’agit d’introduire un cadre juridique pour les délégations de services publics. Là encore, des procédures spécifiques pour les SSIG sont prévues. Le texte doit suivre le même calendrier que la directive marchés publics.
Le projet de révision du règlement de Fonds social européen (FSE) pour 2014-2020
Présenté le 6 octobre 2011, le nouveau programme du FSE devrait êtré adopté dans le courant de l’année 2012. Principe nouveau : 20 % des fonds devrait être dédiés à des projets visant à l’inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté en permettant l’accès à des services de qualité, le soutien à l’innovation sociale et les investissements sur le capital social et humain des citoyens.
Compte tenu de la complexité du cadre, notamment celui relatif aux aides d’Etat, les acteurs français du secteur non lucratif sont en forte demande d’une pédagogie auprès des services de l’Etat et des collectivités territoriales pour permettre une application des règles.
« Il faut aussi un cadre législatif positif national qui unifie l’approche que chacun des acteurs a aujourd’hui des services sociaux », souligne Françoise Castex, députée européenne et présidente de l’intergroupe services publics au Parlement européen.
« Sinon, c’est chacune des collectivités qui devra recréer son propre modèle de mandatement en établissant une délibération cadre. Ce qu’elle ne feront pas forcément. En disposant d’une loi générale, les collectivités locales et les opérateurs seront davantage sécurisés », insiste Laurent Ghekiere.
Le collectif espère une loi cadre d’ici la fin de l’année 2012.
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