Il est devenu impossible d’évoquer les politiques sociales sans rassurer son auditoire par un préalable sur le refus de l’assistanat. Erigé en dogme, ce chiffon rouge empoisonne notre réflexion. Pour ou contre l’assistanat ?
Posée comme telle, la question n’a évidemment aucun sens ! Il convient d’abord d’assumer la part d’inconditionnalité inhérente à toute politique sociale : l’aide publique envers les plus fragiles n’est pas une faveur que les pouvoirs publics octroient en fonction d’un quelconque mérite, mais un juste retour en fonction d’une vulnérabilité objective, et d’un système producteur d’inégalités qui menacent l’équilibre social.
On finit par oublier cette évidence, dans un contexte où l’idéologie « méritocratique » a fini par imposer sa loi : celle de l’égalité des chances, vue comme seul fondement légitime de toute politique sociale. Or, comme le rappelle Pierre Rosanvallon (1), « l’égalité radicale des chances conduit à absolutiser, abstractiser et désocialiser l’individu ».
Dit autrement par Richard Henri Tawney (2), l’égalité des chances, c’est « avoir des chances égales de devenir inégal ».
De l’Etat providence à un « Etat d’investissement social » – La vraie question est ailleurs et porte, en réalité, sur les moyens dont on se dote collectivement pour aider chaque individu à faire face aux vulnérabilités auxquelles il est confronté pour rester l’auteur de sa vie. Il s’agit donc, pour le service public, de permettre à chacun d’assumer sa propre responsabilité, par un accès effectif aux biens publics que sont la santé, l’éducation, la culture…
Cette transformation de l’Etat providence en « Etat d’investissement social », selon Jacques Delors (3), implique d’accompagner les parcours de vie pour prévenir les risques de décrochage et développer l’autonomie de chacun.
C’est aussi l’Etat « accompagnant », décrit pas Serge Guérin (4), qui relance utilement le débat sur la sécurité sociale professionnelle.
Et c’est, enfin, l’esprit du fameux « care », qui dessine une autre société, plus douce et plus attentive aux besoins de chaque citoyen, tout en invitant chacun à contribuer à sa manière au mieux vivre ensemble. Au fait, une campagne électorale peut-elle servir à parler un peu moins d’assistanat et un peu plus de l’essentiel ?
Thèmes abordés
Notes
Note 01 « La société des égaux », 2011. Retour au texte
Note 02 « Equality », 1931. Retour au texte
Note 03 « Investir dans le social », coauteur Michel Dolle, 2009. Retour au texte
Note 04 « De l’Etat providence à l’Etat accompagnant », 2010. Retour au texte