Face au nouveau contexte financier et fiscal, les collectivités territoriales sont contraintes d’innover pour diversifier leurs sources de financement et réduire leur dépendance vis-à-vis des banques. Cette situation concerne en premier lieu les régions qui cumulent deux handicaps : un panier de recettes fiscales moins dynamiques et dont elles ne peuvent plus fixer les taux ; des emprunts bancaires moins accessibles et à des taux de long terme qui ont augmenté de 100 à 200 points de base en un an (ndlr : un point = 0,01 %). Pour résoudre ces difficultés inédites, quatre régions testent les emprunts obligataires tant auprès des épargnants que des investisseurs institutionnels.
L’initiative a été lancée dès 2009 par les Pays de la Loire alors que la crise financière battait son plein, via la souscription d’un emprunt de 80 millions d’euros dont 73 millions auprès des particuliers et le reste auprès d’institutions (taux de 4 %). L’objectif du président (PS) Jacques Auxiette était « de mobiliser les énergies et l’épargne régionales contre la crise », mais aussi d’offrir aux épargnants un « placement sûr ».
Depuis, le Limousin, l’Auvergne et Rhône-Alpes ont eu recours au même dispositif. « L’emprunt obligataire renforce le rapport « charnel » entre le territoire et ses habitants dans un contexte où le lien fiscal avec ces derniers est rompu du fait de la réforme fiscale », explique Pascal Coste, conseiller économique du président de la région du Limousin qui a levé 26 millions d’euros en 18 jours en juin dernier (taux de 4,1 %).
Mais à la volonté politique initiale de sensibiliser la population à la relance de l’économie régionale, l’opération devient aujourd’hui un levier financier permettant dans certains cas de boucler les programmes d’investissements de 2011. « Il devient de plus en plus difficile d’obtenir des liquidités de la part des banques », reconnaît Alain Farine, directeur adjoint des ressources humaines et de la gestion au conseil régional d’Auvergne qui a lancé en octobre une souscription de 21 millions d’euros auprès des épargnants à un taux de 4 %.
« Deux banques nous ont appelé pour nous prévenir de prélever nos emprunts rapidement car elles ne sont pas sures de pouvoir les assurer ». Depuis la rentrée, les consultations des collectivités auprès de leurs banques s’accélèrent et n’augurent rien de bon. « Sur les 50 millions d’euros sollicités en septembre, nous ne sommes pas sûrs d’obtenir 20 millions », indique Jacques Auxiette.
S’affranchir des banques – L’assèchement des liquidités a pour conséquence directe de faire bondir les marges des banques. « Dans notre cas, elles sont passées de 0,8 % à 1,5 % », indique Alain Farine. Dans ces conditions, l’émission d’obligations devient un bon moyen pour s’affranchir des établissements bancaires et une solution moins couteuse que l’emprunt bancaire classique, alors qu’un 2009 c’était l’inverse.
Redoutant que cette situation se tende dans les mois, voire les années à venir, ces quatre régions prévoient de pouvoir utiliser régulièrement l’emprunt obligataire pour compléter leurs sources de financement. Aussi, ces premières opérations font office de galop d’essai pour généraliser et simplifier les démarches administratives qui sont très lourdes.
Outre l’épreuve de la notation, chaque collectivité doit produire un prospectus détaillé décrivant l’emprunteur qui sera validé par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Pour éviter d’avoir à reproduire ses étapes à chaque emprunt sollicité, ces régions travaillent à la mise en place d’un programme EMTN (Euros medium turn note).
« L’avantage est de fixer un cadre de plafond d’émissions validé par l’AMF sur dix ans et de gagner en souplesse grâce à une documentation unique permettant d’aller directement sur le marché quand nous en avons besoin », explique Marianne Lacaze-Dotran, directrice des finances de la région Rhône-Alpes.
Les Pays de la Loire préparent de leur côté un programme d’émissions obligataires pluriannuel destiné à des investisseurs de type sociétés d’assurance, mutuelles ou fonds d’investissements, mais qui devront pouvoir justifier d’être « socialement responsables ».
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Budgets 2012 : rigueur et plans d’économie à tous les étages
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Sommaire du dossier
- Budgets primitifs 2012 : les collectivités locales limitent les risques
- Les budgets primitifs 2012 des collectivités en hausse de 2,1 %
- Communes : l’élaboration des budgets relève de l’exercice d’équilibriste
- EPCI : face à l’incertitude des recettes, les budgets restent sages
- Départements : équilibre périlleux entre maintien des politiques et de l’épargne
- Régions : les emprunts obligataires à la rescousse
Thèmes abordés