La trésorerie des collectivités a fortement augmenté en une décennie. Mais la hausse spectaculaire des dépôts au Trésor public ne saurait être assimilée à une soudaine aisance financière. De fin 2014 à fin 2022, la trésorerie du secteur public local est passée de 44 à 78 milliards, une progression massive de 34 milliards en huit ans. Ce solde correspond à l’encaisse de trésorerie des collectivités, de leurs groupements et de leurs satellites (établissements sociomédicaux, CCAS et CIAS, Sdis, offices publics d’HLM, etc.).
Les collectivités stricto sensu (communes, intercommunalités, départements et régions) représentent l’essentiel de ce solde (84 %). Cet excédent recouvre des situations individuelles très variées, mais sa progression globale n’en demeure pas moins étonnante et nous oblige à rechercher des explications.
L’exécution « dans la vraie vie » des budgets
Les budgets des collectivités étant votés pour une année et en équilibre, c’est l’exécution « dans la vraie vie » des budgets qui explique la création d’excédents (parfois de déficits) en fin d’année, ceux-ci ayant vocation à fluctuer d’une année sur l’autre en fonction des réalisations.
Ces fluctuations annuelles se traduisent, peu ou prou, dans le solde de trésorerie. Aussi, s’il est normal que cette encaisse soit excédentaire, il est inhabituel qu’elle progresse chaque année depuis 2014. Plusieurs éléments d’explication peuvent être avancés. Le gouvernement a beaucoup fait pour inciter les collectivités à la prudence. La suppression de l’essentiel de la taxe d’habitation a marqué le mandat présidentiel 2017-2022. Cette réduction sévère du levier fiscal (bloc local et départements) et les éléments de langage gouvernementaux accompagnant les contrats de Cahors ont incité celles-ci à freiner leurs ambitions.
2020, une année de contraction des dépenses
La crise du Covid a bouleversé la commande publique en 2020 et en 2021. Les entreprises ont parfois dû reporter leurs opérations, décalant d’autant les paiements, et les collectivités ont vu leur capacité à définir et à suivre les dépenses se détériorer. Au surplus, 2020 était une année d’élection municipale, traditionnellement une année de contraction des dépenses. Pour leur part, 2021 et 2022 étaient des années de définition des priorités vouées à être réalisées dans la seconde moitié du mandat. Or deux priorités nouvelles se sont imposées : réduire les émissions de gaz à effet de serre et adapter les territoires au changement climatique. Deux enjeux systémiques que doivent s’approprier les collectivités alors que les ingénieries publiques ou privées ne sont pas toujours disponibles.
Enfin, 2021 et 2022 ont signé le retour de l’inflation et des appels d’offres infructueux, la perspective (vérifiée) d’une hausse des taux et la certitude de perdre la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Tout a concouru à limiter les dépenses et à mobiliser de manière anticipée les derniers emprunts à taux réduit.
L’analyse des engagements pris mais non réalisés (les « restes à réaliser ») n’existe pas à un niveau consolidé. Cependant, à la fin 2022, il était raisonnable de penser que les collectivités, du moins celles qui ont arbitré leurs priorités, étaient dans les « starting-blocks » pour décaisser. Ce serait une bonne nouvelle, pour une fois, l’investissement local pourrait avoir un effet contracyclique alors que la croissance s’annonce atone.
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