Ils commencent à en reparler pianissimo, en fin de négo, dans les couloirs ou du bout des lèvres, mais enfin, elle s’esquisse dans le brouillard : une réforme de la DGF. Le gouvernement a déjà bousculé un usage décennal : il a augmenté la dotation forfaitaire de 320 millions d’euros en loi de finances pour 2023, permettant à près de 90 % de communes de passer, pour des montants souvent très symboliques, dans le camp des non-perdants.
En retour, l’exécutif a eu droit à un simple signe de tête des élus locaux qui réclamaient pour beaucoup une indexation sur l’inflation. Or justement, à la surprise générale, des parlementaires ont voté en commission des lois une proposition de loi sur cette indexation qui pourrait être débattue à l’Assemblée nationale à partir du 4 mai prochain. Elle a même une toute petite chance d’être votée si elle est effectivement présentée dans les temps impartis à la niche parlementaire des élus communistes et si les députés LR la votent, comme certains députés de ce parti l’assurent.
Refaire frémir la DGF en agissant d’abord sur son montant, c’est déjà ranimer le débat sur son importance et l’assimiler à des préliminaires d’une réforme sur son fonctionnement. C’est d’ailleurs ce qu’ont souhaité les députés de la commission des lois le 12 avril dernier.
Verdissement de la DGF
Au sein du gouvernement, certains osent désormais formuler le vœu d’une réforme, jusqu’à présent très pieux, même quand Matignon l’avait impulsée en 2015 sous le gouvernement Valls pour finalement la torpiller un an plus tard. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et ancien maire d’Angers ne cache plus sa volonté de remettre le chantier en route en intégrant des critères écologiques pour accélérer la transition.
Une DGF soumise à des objectifs verts, c’était encore une idée qui avait du mal à passer chez les élus locaux au congrès des maires d’il y a deux ans, mais qui pourrait donc trouver son chemin dans un avenir proche. Une proposition de « verdissement de la DGF » pourrait ainsi être intégrée à l’agenda des assises des finances publiques que souhaite organiser le ministre des Finances et de l’économie Bruno Le Maire avant l’été. On saura alors comment le gouvernement souhaite associer la DGF à la transition écologique. On peut imaginer au moins deux scénarios possibles. Soit cette DGF prendrait les allures d’une dotation incitative avec des bonus financés par l’Etat selon les orientations financières et budgétaires des bénéficiaires définies par exemple dans des budgets verts. Soit elle serait conditionnée à des objectifs écologiques financés dans une enveloppe fermée. Dans ce cas il y aura forcément des perdants. En revanche, on n’ose pas imaginer une option punitive consistant à baisser la DGF aux collectivités aux budgets plus bruns que verts.
La menace n’est cependant pas nulle. Le pacte de stabilité présenté jeudi 20 avril à la presse prévoit une baisse des dépenses publiques de 4 points de PIB sur 5 ans. Bruno Le Maire a pour le moment visé les dépenses de l’Etat en imposant à tous les ministères une réduction de 5 % de leur budget pour l’an prochain et une baisse totale des dépenses de l’Etat de 0,8 % en moyenne par an hors inflation. Mais il a aussi ciblé les autres acteurs publics : » Nous venons de demander un effort à nos compatriotes avec la réforme des retraites, il est juste que les acteurs publics soient aussi mis à contribution » a-t-il glissé sans plus de précision. De là à imaginer que la carotte de la DGF verte se transforme en bâton de l’austérité…
Remise à plat ou procrastination ?
Avec ou sans couleur verte, la DGF ne va de toute façon pas pouvoir rester en l’état bien longtemps. La fin de la taxe d’habitation a entraîné un bouleversement des indicateurs de richesse qui déterminent les montants des dotations. Ils ont été gelés jusqu’à présent pour éviter un effondrement du système, mais cette situation ne peut être que transitoire.
Aussi, plutôt que d’échauffer les cerveaux de la direction générale des collectivités locales (DGCL), des associations d’élus ou des consultants en finances locales à reconstituer une nuée d’indicateurs au prix d’une complexification toujours plus grande du système, il est peut-être enfin venu le temps de remettre à plat la DGF dans ses principes et dans son fonctionnement. A moins qu’une fois encore la procrastination l’emporte, encouragée par une campagne des élections sénatoriales du 24 septembre prochain peu propice aux renversements de tables.
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