Voilà, c’est fini, les collectivités ont bien bouclé un budget 2023 qui s’annonçait particulièrement périlleux du fait notamment de l’inflation. Selon notre série sur les budgets 2023 close cette semaine avec le tour des salles des conseils communaux et communautaires, l’exercice a bien été acrobatique dans toutes les catégories de collectivités, un peu moins pour les métropoles.
As du volant
Coût de freins sur les investissements ou juste léger décalage, hausse de la fiscalité locale ou ajustement par les niches comme la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, revue des dépenses pour chaque service local et contrôle de gestion à tous les étages, etc. : les collectivités ont fait feu de tout bois pour piloter finement leur budget dans le brouillard provoqué par la hausse de coûts de l’énergie et des matières premières mais également des charges d’intérêt et les hiératiques promesses de compensation du gouvernement incluses dans les filets de sécurité, bouclier énergétique ou hausse des dotations.
- Une augmentation de la DGF pour 90% des communes, « oui mais »
Un exercice de haut vol, agile, mais finalement devenu habituel depuis une dizaine d’années pour des financiers locaux aguerris aux baisses des dotations, au contrôle des dépenses et des ressources de la part de l’Etat quand ils ne sont pas confrontés directement à une pandémie ou indirectement à un conflit militaires aux portes de l’Union Européenne.
Loi de programmation pour baliser la route
Après tant de dérapages contrôlés sur ces routes de rallye, il est tout naturel de réclamer une meilleure prévisibilité des finances publiques et particulièrement locales. Le 6 avril dernier, le sénateur des Landes Eric Kerrouche (PS) a de nouveau fait une proposition de loi pour réclamer une loi de financement des collectivités, sans plus de succès que les autres initiatives passées.
En marge d’une conférence organisée par le think tank I4CE, l’Ademe et sous le patronage de la Présidente de l’Assemblée nationale, un député de la majorité qui réclame également une loi de financement pour les collectivités, se désolait récemment de voir la perspective d’une loi de programmation des finances publiques – retoquée cet automne au Parlement – s’éloigner toujours un peu plus, faute de majorité. Avec ces balisages, la route deviendrait pourtant plus confortable assurent leur thuriféraires, mais également toujours plus contraignante.
Le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, déclarait à l’Assemblée nationale mercredi 5 avril que « désormais, 20 % des dépenses de l’Etat sont couvertes par une loi de programmation » et peut-être même le double en détourant les dépenses contraintes comme les charges d’intérêt ou les prélèvements sur recettes, croit savoir le journal Les Echos. La revue de dépenses engagée depuis quelques semaines par le ministre de l’Economie et des finances Bruno Le Maire, comme ersatz d’une loi de programmation devenue fantôme, pourrait donc vite montrer ses limites si une part aussi importante des dépenses de l’Etat n’est déjà quasiment plus pilotable.
Faut-il que les collectivités suivent cette voie sur le même mode automatique, alors que contrairement à l’Etat, celles-ci ne peuvent même pas, en vertu de la règle d’or, revenir en mode manuel en laissant filer les dépenses en cas de coup dur ?
Une liberté assumée
Le secteur local n’a déjà plus en grande partie la main sur ses recettes mais garde quand même une autonomie financière qui lui permet de maîtriser encore un peu son destin financier quand il fait face à une baisse de dotation violente, une pandémie soudaine ou une inflation exponentielle. Les bouclages des budgets 2023 montrent – s’il le fallait encore – ses ressources d’adaptation, de pilotage de la contrainte et de la gestion de crise. Les acteurs locaux sont de fait devenus des pilotes de rallye au volant d’une voiture fatiguée, mais toujours vaillante. Même si l’exercice est éprouvant, vont-ils pour autant apprécier demain se retrouver sur une autoroute en version véhicule autonome ?
Déjà, la revue des dépenses voulue par Bercy envisage une sibylline maîtrise de la masse salariale pour les collectivités. Compte tenu de son poids dans les dépenses réelles de fonctionnement –près de 50 % pour les communes – cette option reviendrait à réintroduire une moitié de contrat de Cahors ou de pacte de Confiance si on retient sa feue dernière version. Jeudi 13 avril, la Première ministre Elisabeth Borne a réitéré devant les associations d’élus reçues dans le cadre qu’il n’y aurait pas un retour à la limitation des dépenses du type contrat de Cahors, mais que la définition d’un cadre pluriannuel des finances locales pouvait bien être un sujet de discussion.
Entre les lois de programmation, de financement annuel ou pluriannuel, les revues de dépenses, les dépenses affectées, les recettes fléchées c’est tout de même la capacité à maîtriser son destin, à piloter un budget et se fixer des objectifs propres qui est interrogée. C’est la libre administration des collectivités qui est en fait mise à l’épreuve. Or ce principe n’est pas seulement une liberté, c’est aussi une prise de risque qui se concrétise chaque année dans les budgets locaux. Et cette année encore, elle a bien été assumée.
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