Qui pourrait décemment s’opposer aux nobles objectifs de la proposition de loi tiers-financement définitivement adoptée le 22 mars par les deux chambres ? Il s’agit de financer 400 milliards d’euros de travaux touchant 380 millions de m2 de bâtiments publics, dont 75% propriété des collectivités, pour en réduire les consommations énergétiques. Cette loi introduit un nouveau cadre de commande publique, sous forme d’un marché global de performance autorisant le paiement différé, avec l’idée de soustraire les économies d’énergie obtenues des loyers payés aux entreprises.
Derrière cette belle unanimité obtenue au Parlement, examinons les nouveautés du texte. Tout d’abord, rien n’interdisait déjà à l’État, aux collectivités, aux hôpitaux etc. de faire, en maîtrise d’ouvrage publique, de la rénovation thermique en visant à dégager un TRI (taux de rendement interne) avec un bilan positif de l’opération prenant en compte le coût complet, à savoir les gains de Kwh d’un côté, et les charges d’amortissement et de frais financiers de l’autre. Différentes techniques de portage du financement par l’entreprise ont été successivement mises en œuvre entre les Marchés d’entreprise de travaux publics (METP) des années 1990 et les Partenariats Publics Privés (PPP) initiés par une ordonnance de 2004 suivie d’une loi de 2008. Dans un premier temps, ils ont donné lieu à des dérives condamnables car la version initiale des textes débudgétisait totalement la dette comme s’il ne revenait pas exactement au même de s’endetter auprès d’une banque ou auprès d’une entreprise. Des évaluations préalables, parfois bidon, visaient à justifier la pertinence du recours à ces opérations et étaient souvent démenties par le constat des coûts réels au moment de l’attribution des marchés. Jusqu’au moment où la raison a retrouvé ses droits et où l’arrêté interministériel salvateur du 16 décembre 2010 a réintégré, avec la création du compte 1675, la dette PPP dans l’encours budgétaire de la collectivité. Aujourd’hui on fait marche arrière en remettant la dette sous le tapis, avec une simple annexe au budget retraçant les engagements pris.
Pas de FCTVA
Mais là n’est pas le plus grave, car la conséquence de ce tiers-financement, c’est un coût bien plus élevé reflétant le prix des fonds propres de l’entreprise et celui de sa propre dette même atténué par les facultés de cession de créances. Et de surcroît, ces frais financiers seront soumis à une TVA à 20% que la collectivité ne peut pas récupérer car elle est en situation de consommateur final, en rénovant une école, un centre social, un gymnase ou l’hôtel de ville, dans le cadre d’une activité qui n’est pas elle-même dans le champ de la TVA.
Et le moment est très mal venu pour multiplier par 1,2 les frais financiers car les Euribor ont flambé avec le retour de l’inflation. Il y a encore 18 mois, la collectivité aurait emprunté en maîtrise d’ouvrage à 0,75%, l’entreprise à 1,75% et avec la TVA on terminait à 2,10%. Aujourd’hui c’est 4% pour l’emprunteur public, 5% au mieux pour l’emprunteur privé et la facture finale est à 6% TTC
Alors si l’on ne veut pas tuer dans l’œuf le tiers-financement pour la rénovation énergétique, la solution s’impose d’elle-même, c’est de rendre éligible au FCTVA les intérêts acquittés sur ces montages. Après tout il y a eu beaucoup de dépenses de fonctionnement qui sont devenus éligibles dans les dernières années, à commencer entre autres par les charges d’entretien sur la voirie et les bâtiments. Cela vaut bien un geste pour la planète…