Si nous sommes habitués à ce que l’Etat soit prescripteur et les collectivités opératrices, il est un domaine où ce dualisme ne fonctionne pas : la lutte contre le dérèglement climatique.
L’Etat établit des normes et fixe des obligations très difficiles à atteindre. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est en retard sur pratiquement tous les items. Face à cela, les collectivités locales sont coincées entre la volonté de bien faire et des contraintes techniques qui ne répondent pas au principe de réalité.
Prenons le cas des zones à faibles émissions (ZFE). L’obligation de les installer est liée à la qualité de l’air dans l’agglomération concernée et conduit, pour l’essentiel, à des restrictions de circulation des véhicules. Mais cette nouvelle règle a souvent des conséquences lourdes pour la collectivité qui l’instaure. Elle doit revoir l’ensemble des aménagements routiers et se trouve confrontée à des problèmes de grande ampleur, notamment l’accès aux activités économiques et la réalisation des travaux publics. Elle doit largement développer les transports en commun à l’intérieur de la zone et pour sa périphérie. Leur mise en place demande des moyens et des calendriers qui ne sont pas en phase.
Quant aux collectivités périphériques, elles doivent faire face à une pluralité de problèmes liés à la réalité de l’étalement urbain : plus de 50 % du parc automobile des périurbains n’est pas compatible avec la ZFE. Pour les artisans et les petites entreprises, cela nécessite le changement de la quasi-totalité du parc.
Si l’intérêt des ZFE en matière de santé publique ne peut être contesté, l’édiction d’obligations législatives qui ne tiennent absolument pas compte des conséquences pour les collectivités en termes de calendrier et de moyens est, quant à elle, navrante. Autre cas frappant : la rénovation globale des logements. L’Etat a fait de leur réalisation en une seule opération l’un des points forts de sa politique. Il a mis en place de fortes contraintes, notamment avec l’interdiction progressive de mise en location des logements en fonction de leur classement dans le diagnostic de performance énergétique (DPE).
Là encore, la lutte contre les déperditions d’énergie est un objectif incontournable. Mais il faut s’interroger sur le DPE, qui est, pour certains critères, plus administratif qu’énergétique et rend la rénovation globale extrêmement coûteuse et souvent techniquement inaccessible.
Classer en passoires thermiques 5,2 millions de résidences principales sans en envisager les conséquences mettra beaucoup de collectivités locales en difficultés. Comment vont-elles faire face au relogement de millions de personnes ? La question se pose directement pour les logements sociaux, mais indirectement pour le parc locatif.
Ces deux exemples montrent qu’il existe un décalage total entre des objectifs dont la raison d’être n’est pas remise en cause, mais dont la traduction sur le terrain ne peut être réalisée dans les temps impartis. Il est nécessaire de laisser aux collectivités assez de temps et de moyens pour répondre intelligemment et de façon pragmatique à ces obligations !