Quel est le programme de ces Etats généraux de la simplification ?
Cette journée doit être un temps fort de la simplification. Nous y présentons le rapport de la délégation sur l’addiction aux normes imposées aux collectivités territoriales, publié en début d’année.
Nous y partageons également les résultats de la consultation menée auprès des élus locaux ces derniers mois sur la complexité normative.
Enfin, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, le CNEN et le gouvernement y signent une charte d’engagement, qui nous poussera à davantage d’efficience dans le processus de fabrication de la norme.
Pourquoi cette journée est-elle nécessaire ?
Le constat est partagé. Le Sénat, le CNEN, les associations d’élus, nous pensons tous qu’il y a une addiction aux normes dans notre pays. La législation change souvent, et des normes viennent s’ajouter à celles qui existent déjà. Cela implique de l’insécurité juridique. 400 000 normes régissent désormais les collectivités territoriales. Personne ne les connait. Elles se sont entassées.
Cette boulimie normative va parfois jusqu’à bloquer les élus dans leur action. Elle met les collectivités dans l’impossibilité de mettre en œuvre des services, soit parce que la norme est trop coûteuse, soit parce qu’elle nécessite des moyens humains trop important pour être appliquée. Nous invitons à la frugalité des normes.
Le problème, c’est qu’en France, nous avons une culture de la norme. Tout problème doit être anticipé. La responsabilité est collective. Les acteurs politiques pensent que tout doit être encadré par la loi puis par les décrets d’application. Les citoyens aussi sont responsables, de par leur demande, à ce que tout soit réglementé.
Quelles sont les solutions proposées lors de cette journée ?
Tout d’abord, je précise que nous ne nous attaquons pas au stock de normes : nous nous concentrons sur le flux (les nouvelles normes, ndlr). Nous appelons à un changement de culture de tous les acteurs qui participent à la fabrique de la norme.
Nous souhaitons notamment que le travail en amont soit plus efficace. Nous proposons que le gouvernement vienne régulièrement présenter devant le Parlement les normes qu’il envisage de prendre pour les collectivités. Cela permettra d’avoir un débat bien avant le dépôt du projet de loi.
Il est aussi nécessaire que chaque texte fasse l’objet d’une véritable étude d’impact. Trop souvent, elle est réalisée par les services du ministre qui dépose le projet de loi. Nous pensons qu’en dotant les services du CNEN des moyens nécessaires, il serait l’organisme idoine pour réaliser des études d’impact neutres et exhaustives. Il nous parait aussi indispensable que le gouvernement procède dorénavant à des études d’option avant de déposer un texte au Parlement. Bien souvent, il existe déjà des dispositions, et tout nouveau projet de loi n’est qu’une surenchère de textes législatifs.
Nous encourageons par ailleurs le recours à l’expérimentation (rendue possible par la loi du 20 avril 2021, ndlr) avant de procéder à des généralisations. Cela permet de tester les dispositifs, de les évaluer et de les adapter en prenant en compte la diversité du terrain et des situations.
Nous estimons qu’il faut renforcer l’évaluation de la loi. Nous sédimentons les textes sans jamais les évaluer. Entre la loi voulue par le législateur et les décrets d’application, il y a parfois des contradictions. Il faut s’assurer de l’efficacité de la loi.
Et puis enfin, je remarque qu’on ne fait pas assez confiance aux élus locaux. Pourtant, nous avons encore pu constater pendant la crise sanitaire qu’ils sont capables d’être aux manettes. Il faut davantage faire confiance au sens de responsabilité des élus.
Les résultats de la consultation des élus locaux
Pendant tout le mois de janvier, et en amont des Etats généraux de la simplification, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales a consulté les élus locaux. Quelles sont les conséquences de l’inflation normative sur l’efficacité des politiques publiques locales ? Quels champs de l’action publique locale faut-il prioritairement simplifier ? Les réponses sont éloquentes.
80% des répondants estiment que la complexité des normes s’est aggravée depuis 2020, et seuls 19% pensent qu’elle s’est stabilisée. Plus de 82% des répondants déplorent les conséquences négatives de la complexité des normes sur leurs projets locaux, avec, pour conséquences, une augmentation des coûts (pour 30% des répondants), une modification des projets (27%), un report (25%) ou un abandon (16,8%).
Preuve s’il en est que l’inflation normative est source d’insécurité juridique pour les élus, 68% des répondants disent avoir été confrontés à des normes contradictoires. Face à ce genre de situations, 75% des élus jugent l’accompagnement de l’Etat insuffisant. Plus encore, 80% des répondants affirment qu’ils font face à des interprétations variables selon le service ou l’agent en charge du respect de la norme en question.
Enfin, la délégation demandait aux répondants quels sont, selon eux, les secteurs qui devraient faire l’objet d’une simplification prioritaire. Pour 50% d’entre eux, il s’agit de l’urbanisme. Viennent ensuite, dans l’ordre, la commande publique, la répartition des compétences, ensuite, des thématiques diverses telles que la comptabilité publique, les subventions, l’environnement, le scolaire, etc.
Cet article fait partie du Dossier
Inflation des normes : peut-on dégonfler le mammouth ?
Sommaire du dossier
- « Les collectivités n’ont rien à gagner à remplacer la complexité législative par la complexité réglementaire »
- Françoise Gatel : « La boulimie normative bloque parfois les élus dans leur action »
- Les normes, caillou dans la chaussure des collectivités
- « Lutter contre l’inflation des normes, c’est une utopie »
- Agents et élus sont unanimes, le droit les bloque au quotidien
- Réformer la culture juridique, une nécessité
- « A un monde hypercomplexe correspond un droit hypercomplexe »
- La petite fabrique des normes
- Alain Lambert : 10 ans de lutte contre l’inflation normative… toujours autant de mordant !
- Lutte contre les normes (coûteuses) applicables aux collectivités : encore loin du compte !
- Normes : des mesures de simplification dans chaque nouveau projet de loi
- Le dispositif de contrôle de l’inflation des normes enfin complet !
- Normes : la simplification, enfin ?
- Normes : Alain Lambert mise sur le « choc de compétitivité juridique »
- « On s’est servi de la hiérarchie des normes pour donner de la solennité aux textes » – Alain Lambert
- Bilan 2012 de la CCEN : 1,58 milliards d’euros de coûts pour les collectivités et un moratoire insuffisant
- « Le Parlement n’a pas à être le greffier des administrations centrales »
- Le contrôle des normes applicables aux collectivités territoriales renforcé par le Parlement
- Les normes sont-elles en train d’étouffer les Maisons d’assistants maternelles ?
- Modernisation du droit de l’environnement : rendre les normes plus lisibles
- Normes : « Prendre en compte les collectivités territoriales sans les asphyxier »
- A quelle norme se vouer ? Les atouts des normes volontaires
- Normes : de l’adaptabilité à la proportionnalité
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