Il y a quelques jours, le gratin de l’industrie cosmétique en France s’était donné rendez-vous à Versailles, pour célébrer les résultats record du secteur à l’export -19 milliards d’euros soit 21,6 % de plus qu’en 2019 – et annoncer les nouvelles orientations stratégiques de la filière pour promouvoir toujours plus le Made in France. De quoi faire rêver la ville de Chartres qui se rebaptise volontiers « capitale du parfum ». Avec sa concentration forte d’usines de produits cosmétiques, l’agglomération (136.500 habitants) et la commune centre (38.500 habitants) jouent depuis des années la carte de la beauté pour soigner leur attractivité.
« La cosmétique est un très beau savoir-faire reconnu à l’international, d’où notre envie d’y associer l’image de Chartres qui ne se résume pas à sa seule cathédrale », souligne Didier Garnier, vice-président de Chartres Metropole chargé de l’économie.
Longue histoire dans le luxe
Le début de l’histoire remonte aux années soixante-dix, grâce à l’implantation d’une usine Guerlain, puis l’arrivée d’autres grands noms, comme Paco Rabane (Puig), Coty, plus récemment Dior, et le développement associé d’un réseau de sous-traitants.
Avec une vingtaine d’unités de production et environ 2.000 emplois, le secteur cosmétique chartrain, sous l’impulsion du département d’Eure-et-Loir, est à l’origine de la structuration de la filière, d’abord sous forme de cluster régional, en 1994, puis de pôle de compétitivité. Baptisé Cosmetic Valley, il a peu à peu pris une envergure nationale, avec 600 adhérents et 20 % des 3.200 entreprises du secteur. Mais avec son siège installé à Chartres, il reste solidement ancré dans la capitale de la Beauce, malgré la concurrence d’Orléans sur le volet recherche (cf. encadré).
Levier de différentiation
Adhérente de la Cosmetic Valley, la collectivité apporte une contribution financière (environ 70.000 euros par an) et participe au comité technique sur les questions de stratégie et d’évolution de la filière. Elle accompagne aussi les entreprises qui veulent s’implanter ou se développer en mettant tous les partenaires autour de la table pour accélérer les procédures. Et elle accueille chaque année un congrès international sur les enjeux réglementaires rassemblant 600 personnes venues du monde entier qui vont relayer l’image de Chartres à l’étranger.
Mais son action va bien au-delà. « Ce territoire a identifié la cosmétique comme levier de différentiation et met en place des politiques orientées autour de la cosmétique. Il ne se contente pas d’accueillir ou de soutenir, il porte une véritable ambition », relève Christophe Masson, directeur de la Cosmetic Valley.
Chartres s’est ainsi positionné sur l’accueil de start-up, avec la création, en 2017, d’une cité de l’innovation devenue depuis le 101, dans lequel la communauté d’agglomération a investi quatre à cinq millions d’euros. Installé sur le site d’une ancienne caserne, cet incubateur sélectionne chaque année entre 20 et 30 start-up sur la cosmétique qui sont incubées pour 12 mois. « Il n’existe pas d’autre incubateur ciblé de ce type. Nous avons eu 90 dossiers cette année, cela ne cesse d’augmenter », se félicite la directrice du développement économique de Chartres Métropole, Séverine Bouly.
La collectivité accompagne aussi ses jeunes pousses sur des salons comme Cosmetic 360, la grand messe de la filière qui se tient une fois par an au carrousel du Louvre et où Chartres a son stand. A plus long terme, l’objectif est que ces entreprises grandissent avec succès et choisissent de s’implanter durablement sur le territoire chartrain.
Une vitrine internationale
Chartres aimerait par ailleurs se positionner davantage sur la formation, un des principaux problèmes de l’industrie cosmétique qui doit recruter 12.000 personnes cette année et a bien du mal à trouver les compétences nécessaires. « On est en réflexion sur la création d’un campus cosmétique et pharmaceutique qui soit capable de former aux métiers de l’industrie, c’est le grand sujet des années à venir», poursuit Séverine Bouly.
Mais plus que tout, les élus, et le maire Jean-Pierre Gorges en tête, veulent faire de Chartres LA vitrine française de la cosmétique, pour renforcer le lien entre la ville et la filière. Pour y parvenir, Chartres Métropole a racheté un ancien collège qui appartenait au département afin d’y installer la Maison internationale de la cosmétique. Idéalement placé en face de la cathédrale, ce bâtiment abritera non seulement le nouveau siège et les bureaux de la Cosmetic Valley, mais aussi un Fab Lab, le Beauty Hub, un accélérateur d’entreprises, et un musée en rez-de-chaussée qui apportera une dimension touristique. Retardé par le Covid, le projet, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par la collectivité, devrait voir le jour d’ici trois ans.
Orléans mise sur la recherche
A défaut d’avoir pu obtenir que la Cosmetic Valley installe son siège à Orléans, la métropole du Loiret se positionne comme capitale scientifique de la recherche en cosmétique. Comme Chartres, elle accueille un grand nombre d’industriels du secteur, Dior (plus de 2.000 salariés), Shiseido, Caudalie, etc. Mais elle compte en plus une douzaine de laboratoires de recherche fédérés dans le cadre de Cosmetosciences, un programme financé par la région Centre-Val de Loire et porté par l’université d’Orléans. Son objectif est d’impulser une dynamique recherche entre laboratoires publics et industriels au bénéfice de la filière, de la matière végétale au produit fini.
Sur ce terreau fertile, la métropole a réussi à attirer une antenne « cosmétologie » d’AgroParisTech qu’elle a installé dans des locaux rénovés pour plus de 4,5 millions d’euros et qui a accueilli sa première promotion avec 17 étudiants. « Il y a un fort investissement de la métropole et le territoire est très bien identifié », insiste Richard Daniellou, directeur de la chaire de cosmétologie. Autre source de satisfaction, la tenue, ce printemps, du congrès Cosminov, dédié à la recherche. Sans compter l’arrivée de nouvelles activités, par exemple sur un nouveau parc logistique fléché cosmétique qui a remplacé une friche à l’est de l’agglomération. « On est au coeur d’un des rares secteurs où la France est leader, c’est un motif de fierté », résume Pascal Tebibel, vice-président d’Orléans Métropole, « et on a de belles cartes à jouer ».
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Entreprises : quels choix d'implantation dans les territoires ?
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