Le 14 février 2023, le Comité des Finances Locales (CFL) devait se prononcer sur le projet de décret pris en application de l’article 113 de la loi de finances initiale pour 2023, article instituant le « filet de sécurité » pour l’exercice 2023. Cet examen a été reporté à la demande du gouvernement.
Celui-ci succède et remplace le filet de sécurité institué pour l’exercice 2022 par la loi de finances rectificative d’Août 2022. Ces deux dispositifs successifs divergent fortement tant dans leurs principes que, sans doute, dans leurs objectifs.
Le filet de sécurité 2022, un amortisseur dédié aux collectivités en difficulté ?
Le filet de sécurité 2022 s’appuie sur des critères d’attribution spécifiques. Réservé aux communes et à leurs groupements (dont les syndicats), il a pour fonction d’aider, sous conditions, à financer, en 2022 les effets de la hausse du pont d’indice intervenue durant l’été et la croissance des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et d’achat de produits alimentaires. Les dépenses de personnel représentent à elles seules environ 90% du périmètre retenu pour l’exercice 2021.
Il est réservé aux communes et groupements à fiscalité propre (cette condition n’est pas requise pour les autres groupements) dont le potentiel fiscal et financier est inférieur à deux fois la moyenne de strate ou de la catégorie d’EPCI(1).
Les autres conditions d’attribution, cumulatives, sont plus restrictives : il convient tout d’abord que le taux d’épargne brute, en 2021, soit inférieur à 22%(2), que le volume de cette épargne brute se réduise de 25% au moins, et que la hausse des dépenses ciblées (personnel, énergie, alimentation) représente elle-même plus de la moitié de cette réduction. Ces conditions remplies, le bénéficiaire recevra (en 2023 de manière définitive) un concours égal à 50% de la hausse constatée des dépenses de personnel et à 70% de la hausse des autres dépenses ciblées. Rappelons que cette aide est exceptionnelle, et ne sera pas reconduite ou pérennisée.
Quelques modalités d’évaluation discutables
L’épargne brute correspond à celle constatée au seul budget principal M14 et M57. Les dépenses ciblées sont recensées elles sur les budgets principaux et annexes en M14 et M57. La référence explicite aux budgets en M14 et M57 empêche la prise en compte des dépenses des budgets en M4 (eau et assainissement notamment).
Les subventions versées aux SPIC assurant un service de transport sont exclues du périmètre des dépenses ciblées, et ce même si elles financent une hausse des dépenses de personnel ou d’énergie.
Or, l’éventuelle hausse de cette subvention peut expliquer une part de la baisse du niveau d‘épargne brute et donc l’accroître toutes choses égales par ailleurs. Ce faisant, cette plus forte dégradation de l’épargne brute augmente le seuil à atteindre pour que les dépenses ciblées (dont est exclue cette subvention) représentent 50% de la diminution totale. Il y a là un biais qui mériterait d’être corrigé, car il est vecteur d’injustice.
Contrairement à l’objet de la loi, aucune dépense n’est retraitée. Ainsi, la hausse du point d’indice peut, seule, ne pas expliquer la hausse des dépenses de personnel. En comparant celles-ci entre 2021 et 2022, leur variation peut en effet s’expliquer par de nombreuses autres raisons, comme la création d’un nouveau service ou un transfert de compétences. L’évaluation aurait pu s’appuyer sur 50% des dépenses totales 2022 (le point d’indice a augmenté en juillet) auquel aurait été appliqué 3,5%. Cette proposition n’aurait pas réglé tous les problèmes posés, mais aurait permis de s’approcher sans doute davantage de la réalité de l’effet croissance du point d’indice.
La dotation reçue constitue un titre de recettes qui entraîne une augmentation des produits réels de fonctionnement en 2022 en cas d’acompte et en 2023 pour le solde. Elle devrait être logiquement retraitée afin qu’une dotation venant compenser, en 2022, une baisse d’épargne brute ne soit pas considérée comme une recette de l’exercice, reconstituant ainsi l’épargne brute, et donc justifiant que la dotation ne soit pas versée… Or aucune disposition en ce sens n’a été prévue, ni dans la loi, ni dans le décret. Seule une position orale de l’administration centrale a été formulée : « Avec la Direction générale des finances publiques, nous avons bien pris conscience de ce problème et nous neutraliserons bien sûr l’acompte dans les calculs » rassure Sébastien Simoes, Adjoint au sous-directeur des finances locales et de l’action économique à la Direction générale des collectivités locales (DGCL)(3).
Le taux d’épargne brute varie, tendanciellement, en fonction inverse de la taille des communes. En moyenne, le taux d’épargne brute des communes de moins de 3 500 habitants est proche de 20% quand celui des communes de plus de 50 000 habitants est lui proche des 12%. Ce lien entre le taux d’épargne brute et la taille des communes s’explique par le fait que les niveaux moyens d’épargne brute par habitant varient relativement peu en fonction de la taille des communes. Dans la mesure où le niveau par habitant des dépenses comme celui des recettes augmente globalement avec la taille des communes, le taux d’épargne brute (rapport entre l’épargne brute et les recettes de fonctionnement) diminue donc lui avec la taille des communes. Retenir un « taux » d’épargne brute et non un montant par habitant pourra toutefois entraîner des situations paradoxales. Ainsi par exemple, la ville de Megève dispose d’un niveau d’épargne brute de 1 738 € par habitant (la moyenne des villes de sa strate est de l’ordre de 224 €) mais, compte tenu de ses très forts produits de fonctionnement, son taux d’épargne brute n’est que de l’ordre de 16,3%(4). A contrario, la ville de Lingolsheim, dans le Bas-Rhin dispose d’un niveau d’épargne brute de 164 € par habitant (pour une moyenne de strate de 204 €) mais celle-ci représente 22,3% de ses produits de fonctionnement en 2021(5).
Connaître une réduction de 25% du niveau d’épargne brute
Les modélisations conduites par l’équipe de Ressources Consultants Finances(6) ont mis en évidence :
- Le rôle essentiel du taux d’épargne brute 2021 dans le dispositif. Ainsi, en l’absence de croissance des produits de fonctionnement, une collectivité connaissant un taux d’épargne brute de 5% en 2021 sera potentiellement éligible au filet de sécurité 2022 dès que ses dépenses de fonctionnement croîtront de plus de 1,3% (soit environ 4 fois moins vite que l’inflation connue en 2022), là où une commune disposant d’un taux de 21% en 2021 ne sera, elle, potentiellement éligible qu’à partir du moment où ses dépenses auront crû de 6,6% au moins.
- La dynamique des produits de fonctionnement accroît évidemment le taux de croissance des dépenses de fonctionnement ciblées nécessaire pour être éligible au dispositif, l’effet recettes venant neutraliser une partie de l’effet charges. Cet accroissement n’est pas linéaire mais progressif. Ainsi, pour une ville disposant d’un taux d’épargne brute en 2021 de 5%, tout point de croissance des produits conduit à augmenter le taux nécessaire de croissance des dépenses ciblées de 1,05% environ. Cette pondération est de 1,28% lorsque le taux d’épargne brute 2021 est lui de 20%.
Le tableau ci-après indique le taux d’évolution minimum des dépenses réelles de fonctionnement permettant de respecter le critère « baisse de l’épargne brute de plus de 25% », en fonction du taux d’épargne brute 2021 et du taux d’évolution des recettes réelles de fonctionnement.
- Illustration du cas n°1 : avec une évolution de ses dépenses de seulement 2,4%, une commune affichant un taux d’épargne brute 2021 de 5% et dont les recettes augmentent de +1% sera éligible au dispositif.
- Illustration du cas n°2 : il faut une évolution des dépenses de plus de 10,4% à une commune affichant un taux d’épargne brute 2021 de 21% et dont les recettes de fonctionnement augmentent de +3% pour être éligible au dispositif.
Que conclure ici ? La contrainte imposée de réduction d’au moins 25% du niveau d’épargne brute (quelle que soit la nature ici des dépenses qui expliquent cette réduction) est d’autant plus « facile » à atteindre que le taux d’épargne brute (et non le montant en € ou en € par habitant) est faible. Ainsi, le filet de sécurité se déclenchera-t-il d’autant plus rapidement que la solvabilité initiale de la commune ou du groupement est déjà (avant 2022) dégradée. Le filet de sécurité apparaît donc, pour l’exercice 2022 comme un amortisseur dédié aux communes et EPCI qui, en situation antérieure « orange foncée », passeraient clairement « dans le rouge » en raison des effets de hausse des dépenses de fonctionnement, quelles qu’elles soient ici. Il sera beaucoup plus difficile à obtenir pour des collectivités qui passeraient « du vert à l’orange léger ».
Connaître une croissance des dépenses ciblées au moins égale à 50% de la baisse de l’épargne brute
C’est sans doute ici la disposition qui pourrait entraîner le plus de cas particuliers non compris. Il serait en effet erroné de considérer que si les dépenses ciblées doivent représenter 50 % de la réduction d’épargne brute et que celle-ci doit être d’au moins 25%, alors les dépenses ciblées doivent représenter au moins 12,5% de la baisse de l’épargne brute.
En effet, la proportion de 50% s’applique à la baisse effectivement constatée de l’épargne brute de chaque commune ou EPCI. Si elle diminue de 25% alors, oui, l’effet charges ciblées doit représenter 12,5% de cette diminution. Mais si la baisse de l’épargne brute est de 50%, alors l’effet dépenses ciblées doit représenter 25% de celle-ci.
Là encore, on a pu déterminer mathématiquement les contraintes d’évolution minimale des dépenses ciblées en fonction des différents paramètres pris en compte conduisant à vérifier cette condition. Ressort ici le rôle essentiel du niveau initial du taux d’épargne brute (2021) et du poids des dépenses ciblées dans les dépenses totales.
Ainsi une commune ou un EPCI disposant d’un taux d’épargne brute de 5% en 2021, connaissant une épargne brute en réduction de 25 % en 2022 aura besoin d’une croissance des dépenses ciblées de 6,25% pour devenir bénéficiaire du filet de sécurité, si ses dépenses ciblées représentent, en 2021, 10% des recettes réelles de fonctionnement. Mais si son taux d’épargne brute initial était de 20%, alors, pour qu’une hausse des dépenses ciblées de 6,25% la rende éligible, il convient que les dépenses ciblées représentent 40% des recettes réelles de fonctionnement.
On voit aussi que si la baisse de l’épargne brute atteint 40%, alors et dans les mêmes conditions que précédemment le taux minimal d’évolution des dépenses ciblées n’est plus de 6,25% mais ici de 10%.
Ceci s’explique aisément :
- Dans le premier cas si l’épargne brute passe de 1 000 à 750 (-25%) et que le taux d’épargne brute est de 20%, les produits réels de fonctionnement sont égaux à 5 000. En supposant que les dépenses ciblées sont de 40% de ces produits, elles atteignent donc 2 000. Leur augmentation pour entrer dans le processus du filet de sécurité doit donc être de 125 (50% de la baisse de l’épargne brute). Cette progression de 125 rapportée à 2 000 représente 6,25%.
- Dans le second cas, l’épargne brute se réduit de 1 000 à 600 (-40%). Les dépenses ciblées doivent donc augmenter de 200 pour représenter au moins 50% de la réduction d’épargne brute et passer de 2 000 à 2 200 (+10%).
Ce résultat pourra sembler paradoxal, dans la mesure où une plus forte dégradation de la situation financière nécessiterait une croissance encore plus soutenue des dépenses ciblées pour déclencher le filet de sécurité.
Cette dernière situation tient au choix fait par le gouvernement dans le décret d’application(7) : si la contribution de la hausse des dépenses ciblées n’était pas rapportée à l’évolution effective de l’épargne brute entre 2021 et 2022, mais à une proportion fixe du niveau 2021 de ce solde (par exemple 12,5%, soit 50% de 25%), alors cette différence n’existerait pas.
Conclusion : un filet de sécurité 2022 amortisseur de la dégradation de la solvabilité
L’obtention de ce concours au titre de 2022 réside dans la relation entre taux d’épargne brute en 2021, variation de son volume entre 2021 et 2022 et impact des dépenses ciblées dans cette variation.
Ceci pourra conduire des communes ou groupements à obtenir ce concours malgré une faible évolution des dépenses ciblées, y compris inférieure au taux d’inflation de 2022 dès lors que cette hausse, même faible en taux d’évolution, menace le niveau de leur épargne brute, s’il est déjà lui-même faible. Davantage qu’une prise en charge par l’Etat de l’effet budgétaire de la hausse des dépenses de personnel ou d’énergie ou d’alimentation, cette dotation exceptionnelle a pour finalité de réguler l’effet de ces hausses sur la capacité d’autofinancement. On peut cependant regretter le problème posé par la prise en compte de la réduction individuelle du niveau d’épargne brute (voir ci-dessus) au regard d’une situation où aurait été mesurée la hausse des dépenses ciblées par rapport à une réduction forfaitaire de 25%(8) pour tous du niveau d‘épargne brute dégagée.
On perçoit alors la stratégie retenue : éviter la réduction comme peau de chagrin des capacités d’autofinancement induite par l’évolution des dépenses ciblées. Cette logique peut parfaitement s’entendre. Elle souffre cependant d’un écueil majeur. La dotation ainsi conçue n’est attribuée que pour un an. La réduction, atténuée par ce concours, de l’épargne brute en 2022(9) des communes et groupements disposant d’un faible taux, reviendra de plein fouet en 2023(10), d’autant plus que l’effet de la valeur de point d’indice jouera là en année pleine.
Toutefois, actualisation des valeurs locatives de 7,1% en 2023, rendement soutenu du produit de TVA, prise en compte d’un effet d’assiette dans la compensation de la CVAE pouvant entraîner une progression sensible des ressources au regard des produits perçus en 2022, vont contribuer à une croissance des moyens budgétaires des communes et groupements (pris globalement, les situations individuelles étant plus contrastées). C’est cette croissance, liée à la reprise de l’inflation, qu’il va falloir mobiliser pour financer durablement la dynamique des dépenses ciblées, notamment de personnel. Le filet de sécurité 2022 n’aura été qu’un moment conjoncturel d’attente de cette reprise des croissances de ressources.
Le filet de sécurité 2023
Il est d’une nature profondément différente de celui institué pour 2022.
Son bénéfice, élargi aux régions et aux départements, ne nécessite plus de disposer d’un taux d’épargne brute inférieur à 22%. Il est toujours basé sur une réduction individuelle de l’épargne brute, mais prise en compte ici à 15% et non 25%. Ne bénéficieront ainsi des deux dispositifs successifs que les communes et groupements ayant connus une réduction d’épargne brute de 25 % en 2022 puis de 15% en 2023, soit une baisse cumulée de 36,25% de celle-ci depuis 2021.
Cette réduction d’épargne brute peut provenir d’une part, d’un effet lié aux charges de fonctionnement quelle qu’elles soient (effet année pleine des évolutions de point d’indice de la fonction publique en 2022, dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain, hausses des taux d’intérêts, croissance des participations versées, …), et, d’autre part, être atténuée par la dynamique entre 2022 et 2023 des produits de fonctionnement, dont la reprise est attendue.
L’assiette des dépenses ouvrant droit au filet de sécurité est, elle, fortement réduite : elle correspond aux dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain exclusivement et ne prend donc pas en compte notamment l’effet en année pleine des évolutions de point d’indice.
Enfin, la dotation reçue ne dépendra plus du poids que représente la hausse des dépenses ciblées dans la réduction de l’épargne brute, mais est évaluée en comparant leur croissance entre 2022 et 2023 à la croissance des produits de fonctionnement. Ainsi, cette dotation est égale à 50% de la différence entre l’augmentation des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain entre 2023 et 2022 et 50% de celle des recettes réelles de fonctionnement entre 2023 et 2022. Dit autrement, la dotation correspond à la prise en charge de la moitié d’un droit à compensation (la croissance des dépenses ciblées) réduit d’un abattement proportionnel (50%) à la croissance des recettes.
Ainsi, si la croissance des dépenses ciblées n’excède pas la moitié de la dynamique mobilisable des ressources totales, alors aucune attribution n’est due. La logique du filet de sécurité 2023 est donc totalement différente de celle de 2022 : il s’agit à la fois de limiter « la casse » quant au taux d’épargne brute et d’intervenir lorsque la croissance des recettes d’une collectivité pourra apparaître insuffisante pour faire face à la hausse des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.
Il est ici parfaitement anormal que le projet de décret(11) (non encore promulgué) précise que le filet de sécurité reçu au titre de 2022 (et effectivement versé en 2023) participe de la définition des recettes de fonctionnement dont il faut prendre en compte la croissance. Si cette disposition devait être maintenue dans le décret effectivement publié, les communes et groupements bénéficiaires de la dotation au titre de 2022 verraient 50% du montant de celle-ci réduire d’autant leur potentiel droit à compensation 2023.
Le taux d’épargne brute 2022 demeure une variable centrale
Les modélisations réalisées par l’équipe de Ressources Consultants Finances mettent toujours en évidence le rôle central du niveau initial du taux d’épargne brute (ici celui de 2022) dans le bénéfice de la dotation. Ceci tient à la contrainte de voir le niveau de l’épargne brute se réduire de 15%.
Rappelons que cette contrainte prend en compte la croissance de l’ensemble des charges de fonctionnement et non des seules dépenses ciblées. Même si la dotation reçue n’en tient pas compte en 2023 (voir ci-dessus), les effets en année pleine de la hausse des dépenses de personnel pourront jouer pour respecter cette première contrainte.
Globalement, en fonction des taux d’épargne brute 2022, et des croissances de produits de fonctionnement entre 2022 et 2023, les taux d’évolution « minimum » des charges de fonctionnement conduisant à une réduction d’épargne brute d’au moins 15 % sont donnés par le tableau ci-dessous.
Comme précédemment, une collectivité dont le taux d’épargne brute est de 5% en 2022 et qui connaîtrait une hausse de ces produits de 1% doit connaître une hausse de ses charges de 1,8% pour que son épargne brute diminue de 15%. Cette hausse est portée à 11% si le taux d’épargne brute 2022 est de 23% et la croissance des produits de 5% en 2023.
Une dotation fonction du poids des dépenses ciblées dans les dépenses totales
En 2022, la dotation dépendait, d’une part du niveau de réduction de l’épargne brute, et d’autre part de la contribution prise par la hausse des dépenses ciblées dans cette réduction, conduisant à lier les deux conditions d’attribution. Une fois les deux conditions vérifiées, le taux de compensation était fixe (70% pour les dépenses d’énergie, par exemple).
En 2023, les deux conditions sont indépendantes : le poids de la hausse des dépenses ciblées n’est plus comparé à la baisse de l’épargne brute, mais à la dynamique des ressources. C’est donc le poids qu’elles représentent au regard des ressources qui va devenir la clé de la seconde condition d’éligibilité, et conduire à un taux de compensation de leur hausse variable et progressif, là où il était fixe. En tous les cas, le taux de croissance des dépenses ciblées devra être très élevé, d’autant plus élevé qu’elles « pèsent » peu dans le budget pour que la collectivité concernée soit éligible au filet de sécurité 2023.
Le tableau ci-dessous donne le taux de croissance des dépenses ciblées à constater a minima, pour, compte tenu des taux d’évolution des ressources et du poids relatif des dépenses ciblées dans les ressources, obtenir le premier euro de ce concours.
Ainsi si les produits de fonctionnement augmentent de 5% en 2023, mais que les dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain représentent un faible poids budgétaire en 2022 (0,5% des recettes), il faut qu’elles augmentent de 500% pour que cette hausse soit supérieure à la moitié de la croissance des recettes. Par contre, si leur volume est beaucoup plus important (elles mobilisent 7 % des moyens en 2022), il convient qu’elles augmentent de 50% pour « consommer » la moitié de la croissance des produits de fonctionnement lorsqu’ils progressent de 7%. N’oublions que ces évaluations conduisent à recevoir 1 euro de dotation, et que pour disposer d’un montant supérieur, il faut évidemment que la croissance des dépenses ciblées soit beaucoup plus forte.
Dès lors qu’elle est plus forte, alors le montant de la dotation croît proportionnellement à 50% de la hausse supplémentaire des dépenses ciblées, sans que la dynamique des recettes ne joue plus alors. En effet, l’abattement des 50% étant saturé, tout euro supplémentaire de hausse des dépenses ciblées donne 50 centimes de concours en plus. C’est ce qui explique que le taux de compensation des hausses des dépenses ciblées soit progressif en fonction de leur croissance, une fois le seuil d’abattement franchi.
Le tableau ci-dessous fournit une illustration de cette progressivité, dans l’hypothèse d’une collectivité dont les produits réels de fonctionnement croîtraient de 4% en 2023. Par exemple, on arrive à un taux de compensation de 10% des dépenses ciblées (le filet de sécurité 2023 est égal à 10% de la hausse dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain) lorsque, représentant 2% des produits de fonctionnement en 2022, elles augmentent de 125%. Autrement dit, la collectivité connaissant une hausse de 125% de ces dépenses dans le contexte précisé ici en supportera 90% de cette hausse.
De la même façon, peut être évalué le taux effectif de compensation, en fonction de la croissance effective des dépenses ciblées.
Le tableau ci-dessous donne une estimation de ce taux, dans l’hypothèse où le taux de croissance des produits réels de fonctionnement serait de 4% en 2023.
Ainsi, si le poids des dépenses ciblées est inférieur à 5% des produits réels de fonctionnement, il est probable que le montant du filet de sécurité obtenu en 2023 soit nul ou très faible (notamment au regard des 70% accordés en 2022) tant que le montant des dépenses n’aura pas doublé entre 2023 et 2022 (+100%).
On voit aussi que, même dans l’hypothèse où ces dépenses représentaient en 2022 10% des moyens disponibles, et même si elles doublaient, alors le taux de prise en charge par le filet de sécurité ne serait « que » de 40%. Il se réduirait à 35% si au lieu de croître de 4%, les produits de fonctionnement croissaient de 6% (effet de la hausse de l’abattement appliqué).
Conclusion : un filet de sécurité 2023 amortisseur des faibles dynamiques de produits
L’ensemble des développements précédents montrent qu’il est probable que peu nombreux soient les bénéficiaires d’un haut niveau de filet de sécurité au titre de 2023.
Le dispositif est en effet fortement sensible à l’évolution des recettes. Ainsi, des collectivités dont les dépenses ciblées connaîtront des augmentations équivalentes pourront être éligibles ou non éligibles au filet de sécurité 2023 (ou bénéficier de taux de compensation très différents) en fonction des évolutions de leurs recettes réelles de fonctionnement.
Si on a vu que le dispositif 2022 avait finalement pour objectif d’aider les collectivités avec un faible niveau d’épargne brute face à l’augmentation des dépenses de personnel (pour l’essentiel), le dispositif 2023 est fondamentalement différent : il cible les collectivités qui, confrontées à une véritable explosion de leurs dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain, ne disposeraient pas d’une hausse des recettes suffisamment soutenue pour y faire face. Face aux perspectives de croissance des ressources en 2023, il est possible que le nombre de bénéficiaires fortement dotés soit faible. Même en cas d’obtention de ce filet de sécurité en 2023, le taux de compensation de la hausse de ces dépenses demeura en effet faible au regard du taux accordé en 2022 (70%).
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Disposition excluant peu de candidats, plus de 34 300 communes disposent d’un potentiel financier inférieur à deux fois la moyenne de leur strate en 2022 (98%) et 97% des EPCI vérifient aussi cette condition. Retour au texte
Note 02 Le taux d’épargne brute rapporte le niveau de celle-ci aux produits réels de fonctionnement. Retour au texte
Note 03 Cité dans l’article de La Gazette des communes du 25 octobre 2022, intitulé « Filet de sécurité : l’acompte sera bien neutralisé » Retour au texte
Note 04 Données comptables DGFIP. En outre, le potentiel financier de la ville est seulement de 85% au-dessus de la moyenne de la strate en 2022 (2139,69€ par habitant contre 1152,36€ par habitant). l’écart était de 87% en 2021. La ville vérifie donc les deux conditions. Retour au texte
Note 05 Notons que ce critère et le seuil d’éligibilité induit ont été abandonnés dans le dispositif 2023. Retour au texte
Note 06 Notamment par Bernard Kerriguy, consultant senior manager. Retour au texte
Note 07 Décret n° 2022-1314 du 13 octobre 2022 pris pour l’application de l’article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 Retour au texte
Note 08 Rapporter la hausse des dépenses ciblées à une baisse « d‘au moins 25% de l’épargne brute » n’est pas la même chose que rapporter la hausse des dépenses ciblées à 25% du niveau de l’épargne brute 2021. Retour au texte
Note 09 Certes le filet de sécurité 2022 ne sera réellement perçu qu’en 2023, mais tout se passe comme si le bénéficiaire faisait, en 2022, l’avance de trésorerie de celui-ci via son résultat de fonctionnement, alors reconstitué en 2023. Retour au texte
Note 10 Là aussi, le filet de sécurité de l’exercice 2023 sera perçu en 2024, mais on peut ici aussi considérer que les collectivités bénéficiaires en font l’avance de trésorerie. Pour des raisons de clarté pédagogique nous préférons rattacher ces deux flux à l’exercice auxquels ils se rapportent. Retour au texte
Note 11 Qui devait être soumis à l’examen du Comité des finances locales le 14 février 2023, mais dont le Gouvernement a repoussé l’examen Retour au texte