Schémas de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables, clauses spécifiques, chartes : la commande publique locale se donne des objectifs forts quantifiés et accompagnés de calendriers d’exécution. Au nombre des nouvelles obligations, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire de 2020 impose, par exemple, pour le papier d’impression, 40 % de produits recyclés. Les collectivités doivent mesurer la part des denrées bios, la performance des procédures pour s’ouvrir aux PME, la distance en kilomètres entre le donneur d’ordre et l’attributaire ou le nombre des actions de sensibilisation des entreprises. Qu’à cela ne tienne, elles ne sont pas totalement démunies !
De nouveaux partenariats
« Nous avons des indicateurs précis, comme la proportion du volume du marché de réemploi ou des clauses d’insertion. Mais nous devons aller plus loin. Si nous connaissons le nombre d’heures d’insertion, nous devons enrichir la connaissance de la performance globale de l’achat », résume Mélanie Leblanc, directrice « finances, juridique et commande publique » du département de la Sarthe.
Les critères existants font l’objet d’un chantier perpétuel pour les étoffer : « Nous travaillons sur un indicateur qui nous permettra d’évaluer, au-delà du marché exécuté, le niveau d’insertion durable des personnes ayant bénéficié de la clause sociale », confirme Gildas Renard, chef de projet « pilotage de la politique d’achat » de la région Bretagne.
Selon Giancarlo Bruni, directeur de la commande publique de Toulouse métropole, « un indicateur ne peut être pertinent que s’il est quantifiable et facilement obtenu ». Cela signifie de disposer d’un système d’information performant pour récolter et traiter les données, et d’une structuration administrative adaptée.
Afin d’être prête à infuser l’évaluation dans les services, la Sarthe, qui va adopter son Spaser en 2023, a engagé une nouvelle structuration de la stratégie d’achat par portefeuille. La ville de Meylan (18 200 hab., Isère), qui a adopté en 2021 une délibération-cadre relative à la commande publique responsable, modernise l’organisation interne de la commande publique afin de propager une culture de l’achat responsable.
Pour la commune, l’évaluation va devoir s’appuyer sur de nouveaux partenariats, comme celui avec Grenoble – Alpes métropole concernant la mise en œuvre du plan local pluriannuel pour l’insertion et l’emploi ou avec l’agence régionale Auvergne – Rhône-Alpes Energie environnement.
Du côté de la métropole toulousaine, les démarches collectives sont déclinées sur chacun des piliers de son Spaser. « Cela signifie une réflexion collective sur l’alimentation durable avec les producteurs locaux, sur l’intégration des personnes handicapées avec les établissements et services d’aide par le travail… Autant de partenariats qui permettent de définir des indicateurs pertinents », commente Giancarlo Bruni.
Blacklist interdite
« Dans nos services, nous utilisons près de 80 indicateurs de performance mais, pour les objectifs du Spaser, nous sommes plus modestes. Nous ne transmettons pas les indicateurs dans l’observatoire lorsque nous ne pouvons pas récolter des données massifiées. Aucune collectivité n’a les moyens d’affecter des salariés uniquement au reporting », illustre Gildas Renard. Avec son nouvel observatoire de l’achat public, mis en place au printemps dernier, la Bretagne passe un cap supplémentaire en affichant en ligne ses résultats. « Avec le schéma attendu pour fin décembre, les indicateurs seront en grande partie revus afin d’aller plus loin dans l’évaluation du niveau de performance », rajoute Gildas Renard.
Si l’évaluation entre dans les mœurs pour la définition de l’achat, les procédures ou les relations avec les fournisseurs, elle reste embryonnaire en matière d’exécution. Les collectivités examinent la possibilité de mettre en place des fiches « incidents ». « Nous devons trouver l’équilibre entre la nécessité d’évaluer l’exécution et la règle juridique nous interdisant d’éliminer un fournisseur qui aurait mal exécuté un marché antérieur. Contrairement aux sociétés privées ou même aux personnes physiques, il nous est impossible d’avoir une “blacklist” d’entreprises », précise Giancarlo Bruni.
Pour évaluer la réalisation des marchés, les collectivités comptent s’appuyer sur l’expertise des acheteurs. Un certain nombre de contrats de longue durée prévoient des plans de progrès, notamment pour les critères « RSE ». « Si nous avons beaucoup investi en phase amont, on suit de plus loin l’exécution des marchés, reconnaît Gildas Renard. L’idée n’est pas de sanctionner l’entreprise mais de l’aider à atteindre un niveau de performance défini. Il est nécessaire d’imaginer les outils d’évaluation durant tout le temps de l’exécution. »
La première métropole à viser le label du Médiateur des entreprises
Giancarlo Bruni, directeur de la commande publique
En 2015, la métropole de Toulouse adoptait une charte des marchés publics à destination des entreprises, baptisée « le small business act », avec pour objectif de faciliter l’accès des PME à la commande publique. « Chaque année, nous rendons compte au monde économique de nos engagements par le biais d’une dizaine d’indicateurs sur plusieurs thématiques, comme la performance économique, les clauses financières, les délais de paiements, etc. De même, nous quantifions le volume financier annuel des PME, des entreprises de la métropole, du département et de la région », explique le directeur de la commande publique de la métropole, Giancarlo Bruni.
L’intercommunalité s’est engagée dans une démarche de labellisation avec le service public, le Médiateur des entreprises, qui pilote la charte « Relations fournisseurs et achats responsables » déclinée en dix engagements. L’ensemble de ses actions a été auditionné et, d’ici à la fin de l’année, cette évaluation externe devrait permettre à la collectivité de devenir la première métropole à obtenir le label. Avec un volume de 500 millions d’euros et 75 000 mandats annuels, l’interco poursuit ses efforts, qui se traduisent notamment par la délivrance d’avances financières sans garantie financière. Le Spaser, adopté il y a un an et décliné en sept piliers, élargit l’évaluation à de nouveaux territoires.
Contact : Giancarlo Bruni, 05.81.91.72.00.
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