L’équivalent de 1 548 stades de foot. C’est la surface de terres agricoles sauvée par la commune de La Roquebrussanne (1). Une gageure dans un département, le Var, où 1,4 % du foncier agricole disparaît chaque année. C’est sept fois plus que la moyenne nationale (2). Les élus ont décidé d’inclure toutes les terres dans une zone agricole protégée en 2012, la première ZAP varoise. Bien leur en a pris.
« Nous étions confrontés à une très forte spéculation foncière », constate Pierre Venel, maire adjoint (DVG) chargé de l’agriculture. Attendant que leurs terrains deviennent constructibles, les propriétaires, dont la plupart ne sont pas agriculteurs, les laissaient en friche, plutôt que de les vendre ou de les louer. « Notre objectif était de sanctuariser l’outil de travail des 36 exploitants encore présents sur notre territoire », ajoute l’élu. Les propriétaires fonciers n’ont pas apprécié, d’autant que la commune a déclassé 60 hectares constructibles dans le plan local d’urbanisme (PLU) ! Mais les résultats sont là. Les prix des terres se sont stabilisés, des dizaines d’hectares de surface de friches ont été reconquises, onze exploitations ont été créées, dont trois en maraîchage.
Des freins financiers à la reprise
La Roquebrussanne fait figure d’exception. En France, le nombre d’exploitations a été divisé par quatre en quarante ans. Il n’en reste que 390 000 (3) et 500 000 exploitants. La moitié a 55 ans ou plus et va donc pouvoir partir à la retraite dans la décennie qui vient. Or, leur succession n’est pas assurée, tant s’en faut, menaçant la souveraineté alimentaire du pays. Ainsi, en 2018, le taux de renouvellement des chefs d’exploitation était d’une installation pour trois départs en Bretagne, par exemple.
Le frein à la reprise est surtout financier. Partout, l’artificialisation des terres agricoles se poursuit, entraînant une augmentation des prix des exploitations, qui, de plus, ne cessent de s’agrandir. Le nombre de celles de plus de 200 hectares a été multiplié par quatre en quarante ans. « Quand vous êtes jeune agriculteur et que vous devez acheter du matériel, du cheptel, des bâtiments agricoles, du foncier et le logement qui va avec, c’est compliqué, constate Nicolas Agresti, directeur du service “études, veille et prospective” de la Fédération des Safer (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural). Dans les secteurs périurbains et littoraux, le prix des maisons à la campagne a flambé. » Le coût moyen d’une exploitation porcine en Bretagne s’élevait, selon la chambre régionale d’agriculture, à 380 000 euros en 2020. Difficile de mettre une telle somme sur la table quand on envisage de gagner le Smic… au mieux.
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