Où en sont les collectivités dans leur appropriation de la donnée ? Quels modèles de smart city inspirent ou cheminent à bas bruit dans les territoires ? Les technologies sont-elles réellement matures et les retours sur investissement au rendez-vous ? Pourquoi la question de la souveraineté numérique est-elle cruciale ? Autant de champs décisifs pour la transformation numérique des collectivités et la mise en œuvre de leurs politiques publiques sur lesquels Jacques Priol, président de l’Observatoire Data publica, également consultant, président et fondateur du cabinet Civiteo, casse de nombreux clichés.
Ancien dirigeant territorial, celui qui a officié en tant que directeur de l’office HLM de la ville d’Avignon, directeur général adjoint à la ville d’Evry et secrétaire général du conseil régional des Pays de la Loire est aussi l’auteur de « Le big data des territoires » (éd. Fyp, 2017) et « Ne laissez pas Google gérer nos villes ! » (éd. de l’Aube, 2019). En 2021, il a coordonné la remise au gouvernement d’un rapport sur la smart city et les territoires intelligents, révélant qu’un certain nombre de promesses sur les villes intelligentes ne se sont pas concrétisées.
A la suite des recommandations du rapport, la France a lancé un fonds de 30 millions d’euros en soutien à des projets de territoires intelligents et durables, incitant par exemple à la mutualisation et à la diffusion d’outils souverains.
En 2022, l’Observatoire Data publica a publié les résultats d’une vaste enquête dressant un panorama sur la manière dont les collectivités s’approprient la donnée dans l’élaboration de leurs politiques publiques : elles sont, selon lui, à un moment charnière dans leur prise de conscience.
Comment qualifieriez-vous la maturité des collectivités vis-à-vis des données publiques en particulier et des données en général ?
L’enquête de notre Observatoire Data Publica conduite en 2022 montre qu’on est probablement à une époque charnière, avec une véritable prise de conscience du fait que la maîtrise de la donnée a un impact sur la manière de mettre en œuvre des politiques publiques et qu’il faut donc se saisir de ce sujet. Les collectivités, de toutes tailles, citent un certain nombre d’exemples autour de l’environnement, de la mobilité, de l’énergie…
En 2018 ou 2019, les sujets de data étaient réservés aux très grandes métropoles et à quelques régions. Progressivement cela a concerné quelques grands EPCI, pilotes et pionniers. Mais aujourd’hui, des villes de quelques milliers d’habitants disent avoir besoin de savoir comment gérer les données sur des projets très variés. Mais concrètement, comment s’y prendre et pour faire quoi ? Mettre des capteurs dans la ville n’est pas anodin en termes de processus de gestion de service public et de fabrication de la décision publique.
L’open data n’est plus un préalable à ces démarches ?
L’open data permet un apprentissage de ce qu’est la donnée. Ceux qui se sont lancés dans l’open data au départ le faisaient dans une logique de transparence et de démocratie participative. À partir de 2016 et la loi pour une République numérique, on trouvait l’idée que l’open data allait permettre de développer de nouvelles activités et de nouveaux services. Et là, on s’est trompé, parce que les chiffres annoncés, par exemple en termes de création d’entreprises ou d’emplois, ne sont pas du tout au rendez-vous. Les données publiques mises à disposition en open data ne créent pas directement de la richesse sur le territoire.
Par contre, quand une collectivité commence à faire de l’open data, elle s’approprie de nouveaux usages, et cela créé aussi un appel d’air qui permet des croisements et du partage avec d’autres données, comme celles des délégataires de service public, ou d’autres acteurs du territoire. Ma conviction aujourd’hui, c’est que la valeur des données ne vient pas de l’open data seul, mais sans open data, ça ne marche pas.
Comment passer de la prise de conscience à la mise en œuvre ?
Il s’agit de structurer la fonction data dans une collectivité, comme on l’a fait pour la fonction financière. Cela concernera d’abord les politiques publiques qui sont les plus grandes productrices et consommatrices de données.
On voit différentes manières de s’organiser qui émergent : des fonctions d’administrateur des données ou chief data officer, parfois de façon très structurée, très stratégique, comme à Nantes. On voit de plus en plus de collectivités, y compris petites, qui mettent des comités data en place, parfois animés par le DGS, parfois animés par un élu, avec les quelques métiers les plus concernés, c’est-à-dire ceux qui produisent beaucoup de données : les déchets, l’eau, l’énergie par exemple.
Un manager, un ingénieur territorial de haut niveau, un administrateur futur DG ou DGA, doit comprendre les enjeux de la donnée dans le pilotage des politiques publiques. Il ou elle doit être capable de négocier un contrat de Smart cities, comprendre ce que ça induit en termes de transformation…
Les services publics locaux sont-ils en retard ?
Dans le cadre des travaux menés pour l’Observatoire, y compris les missions à l’étranger (en Suisse, en Belgique, au Canada, aux Pays-Bas, en Norvège…) nous avons fait un benchmark mondial. Et je considère que le service public est
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