Cette saison d’hiver 2022-2023 est, pour la station pyrénéenne de Peyragudes, celle de la mise en œuvre des résultats d’une démarche expérimentale de deux ans sur les emplois et les compétences. Avec un domaine skiable aménagé entre 1600 et 2400 mètres entre Hautes-Pyrénées et Haute-Garonne, celle-ci connaît, depuis plusieurs années déjà, les effets du changement climatique.
À peine créée, en 2018, la Société publique locale (SPL) qui la gère s’est d’ailleurs dotée d’un schéma directeur de diversification des activités à l’horizon 2027. Son objectif : réduire la part de la saison d’hiver dans l’activité économique de 95% actuellement à 65% grâce au vélo, à la randonnée et aux sports aériens ou aquatiques.
Une « formation-développement »
« Cela induit de partir de nos enjeux, qui sont l’émergence de nouveaux métiers liés à ces nouvelles activités et les tensions sur le marché de l’emploi, particulièrement depuis la crise du covid, explique Laurent Garcia, directeur de la SPL. Nous devions rassurer nos salariés en leur proposant une trajectoire d’employabilité, se montrer comme une entreprise dynamique pour attirer et travailler avec toutes nos parties prenantes. »
L’accompagnement de projets sous forme de formation-développement que propose l’Agence des Pyrénées aux acteurs du massif vise justement à créer ou consolider l’activité économique et l’emploi en zone de montagne ou rurale, en impliquant tous les acteurs concernés. C’est pourquoi Peyragudes a demandé à bénéficier de ce dispositif financé par les Régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, l’État (FNADT) et l’Europe (Feder).
Constitué pour suivre la démarche, un comité de pilotage a réuni autour du président de la SPL – Michel Pelieu, président du Conseil départemental des Hautes-Pyrénées –, les maires des communes concernées, la commissaire de massif à l’ANCT, des représentants de CCI, d’EDF et de la Sem Compagnie des Pyrénées, ainsi que les responsables de services de la station.
Sous l’égide de Laurent Garcia, ces derniers ont aussi constitué le groupe de formation-développement, lui-même assisté d’une chargée d’accompagnement de l’Agence des Pyrénées, Hélène Gaulier, et d’une consultante en organisation et RH.
À nouvelles activités, nouvelles compétences
Une première phase, de fin 2021 à mi-2022, a conduit ce groupe de travail à faire un état des lieux des nouvelles activités et des emplois associés : agents d’embarquement pour la télécabine valléenne Skyval, agents spécialisés pour la piste de luge sèche et la tyrolienne toute saison, employés de restauration et vente pour les snacks ouverts en gares de départ et d’arrivée, spécialistes de la maintenance vélo pour la location de VTT…
« Avec les chefs de service et la consultante, nous avons inventorié toutes les compétences nécessaires pour les postes existants et ceux à venir », détaille Laurent Garcia. Avec, pour y parvenir, des débats quasi-existentiels : qu’est-ce qui nourrit la motivation au travail ? Qu’est-ce qui rend un métier attractif ?…
À la clé : une réorganisation des référentiels des métiers et compétences de la station, mais aussi une « matrice des polyvalences ».
« Quelqu’un qui est à la vente de forfaits le matin, par exemple, peut être en préparation de snackings le midi, puis retourner en renfort à la billetterie, cite le directeur. D’autres personnes, encore, qui gèrent les parkings à certains moments, peuvent, à d’autres, faire du ménage dans les appartements que nous gérons. »
Pour lui, cette polyvalence est à la fois le moyen de pourvoir par l’interne le plus possible de postes, de rendre ceux-ci attractifs et, enfin, de reconnaître et valoriser les compétences des salariés. « Les pisteurs ont des atouts pour la supervision et la mise en sécurité de toute activité, cite-t-il. Un jeune venant chaque hiver travailler à l’embarquement des télésièges, encore, qui voulait monter son activité de maintenance vélo dans le Gers, va finalement pouvoir travailler toute l’année à Peyragudes, sur ces deux postes. »
Susciter la confiance
Ce que le directeur décrit comme « un changement culturel », n’a pas été simple à faire accepter pour autant. « Pour des chefs de service, cela représentait une responsabilité supplémentaire, admet-il. C’est pourquoi nous nous sommes basés sur le volontariat… même si j’ai bien expliqué que soit on instaurait une porosité entre services, soit je devrais aller recruter à l’extérieur. »
Hélène Gaulier confirme : « Au début, cela n’était pas évident. Mais l’équipe s’est finalement totalement emparée du projet. » Dans une deuxième étape, celle-ci s’est en effet impliquée cet été dans un test grandeur nature de ces polyvalences, avant qu’elles ne soient pleinement confirmées comme reproductibles pour cet hiver. Certains ont ainsi allongé leur durée de travail pour la station de 3 ou 4 mois sur l’année.
Cette démarche, cependant, ne résout pas totalement la difficulté à fidéliser les saisonniers, observe le comité de pilotage. Le problème majeur : les tensions sur le marché du logement. Laurent Garcia se veut cependant optimiste : « Nous essayons de créer de l’adhésion à notre projet de diversification, explique-t-il. L’évolution ne se fait pas au même rythme selon les communes comme selon les propriétaires de meublés. Mais un hôtel ouvre, un aquaparc a été créé, les loueurs de vélos ont acheté plus de VTT… Ils prennent des risques, car ils ont confiance. L’élargissement de notre offre permet aussi des ouvertures ou réouvertures de métiers de bouche qui cherchaient des ailes de saison. Et tous font comme nous avec leurs salariés. »
Pour Delphine Mercadier-Moure, commissaire du massif des Pyrénées, il faut que ces travaux des acteurs de Peyragudes « aient valeur d’exemple ».
Thèmes abordés
Régions