Ils ne sont pour l’instant qu’une poignée, mais ils espèrent que leur initiative « fera boule de neige », selon l’expression de la maire de Poitiers (Vienne), Léonore Moncond’Huy. Lancé mardi 22 novembre 2022 dans le cadre du Congrès des maires, le réseau des élus de l’éducation populaire se retrouvera le 15 décembre, à Paris, à l’occasion d’un rassemblement dénommé AgoraJEP organisé par le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep).
En plaidant « pour une nouvelle alliance » entre pouvoirs publics et monde associatif, ce rendez-vous cible en particulier élus et agents de collectivités locales, « qu’il faut acculturer au concept d’éducation populaire, dont les valeurs doivent innerver leur réflexion », explicite la coprésidente de la commission Education de l’Association des maires de France (AMF) Delphine Labails, qui engage, à travers elle, l’AMF dans ce projet.
E comme enfant
La maire de Périgueux (Dordogne) déplore que, derrière le « E » du mot éducation, on pense « élève », et non « enfant ». Une vision « scolaro-centrée » qu’elle voit se déployer « dans toutes les instances dans lesquelles nous siégeons, au point de devoir constamment rappeler les compétences des collectivités locales » en la matière, indique-t-elle. Compétences consacrées par la loi NOTRe d’août 2015, souligne le coprésident du Cnajep Yann Renault, qui aspire à ce qu’il y ait un élu à l’éducation populaire « à chaque niveau de collectivité ». « Nos associations ont besoin d’interlocuteurs locaux avec lesquels nous parlerions la même langue, donc qui nous comprennent », développe-t-il.
Partenariat
Maire de Melle (Deux-Sèvres), Sylvain Griffault est l’un de ces élus qui ont rejoint le réseau. Lui-même issu du mouvement scout, il perçoit chez nombre de ses pairs un manque de considération pour l’éducation populaire. Or, celle-ci « fait souvent mieux que la collectivité en matière de loisirs, de vacances, de sport ou encore de culture, estime-t-il, car c’est son cœur de métier ».
« Beaucoup d’élus seraient même avisés de calculer le coût du recours à des associations d’éducation populaire, nettement moindre que s’ils faisaient eux-mêmes », poursuit-il. Un discours dont Yann Renault ne peut que se réjouir. Il attend en effet des élus locaux intégrant le réseau « qu’ils convainquent leurs collègues que l’on peut nouer des partenariats autrement qu’en s’appuyant sur des marchés publics ou des délégations de service public (DSP) ». En particulier, sous la forme, plus souple, de conventions.
« Sur tous les temps de la vie »
« Le rapport de l’éducation populaire à l’école et à la jeunesse est un sujet important, mais c’est un moment parmi d’autres, car elle se déploie sur tous les temps de la vie », prévient le directeur de la Ligue de l’enseignement, Arnaud Tiercelin, qui copréside le Cnajep. Adjointe à Tours (Indre-et-Loire), Christine Blet l’illustre en évoquant son intérêt pour les « publics empêchés ». Elle a décidé d’adhérer à ce réseau pour « voir ce qui se fait ailleurs », et elle évoque un intérêt spécifique en matière de bibliothèques et de médiathèques, l’une de ses délégations. L’éducation populaire est, juge-t-elle, un vecteur intéressant pour « donner accès à la culture à ceux qui n’en ont pas les moyens ». Et, parfois, combler des activités « lorsqu’une ville est défaillante ».
À la ville et à la campagne
« L’éducation populaire n’est pas seulement l’apanage des villes », plaide le maire de Celle-l’Evescault (Vienne) Frédéric Léonet, venu porter la parole des maires ruraux de France (AMRF). « Il ne faut pas oublier la campagne, soit pas loin d’un tiers de la population, ajoute-t-il. Il y a là un véritable enjeu pour nos jeunes et nos aînés également, les uns comme les autres souvent éloignés de services proposés par l’association populaire et confrontés à des difficultés de mobilité pour y avoir accès. »
« Chez moi s’est créé récemment un centre culturel, témoigne-t-il. La commune dispose aussi d’un café associatif, une réussite, il y avait donc une attente de la population. Mais regardez l’ensemble du territoire rural et vous n’en verrez pas beaucoup. »
Intergénérationnel
« L’éducation populaire concerne toutes les générations, défend également Delphine Labails. Ce secteur présente d’ailleurs un grand intérêt pour développer de l’intergénérationnel. » A Melle, l’offre de l’éducation populaire « attire majoritairement des non-jeunes », observe Sylvain Griffault, en citant notamment les foyers ruraux, où des personnes âgées pratiquent tissage ou bridge, et le cinéma d’art et essai. Il espère voir la jeunesse reprendre le flambeau.
Perpétuer une histoire née au XVIIIe siècle qui a « disparu des radars publics », s’inquiète Léonore Moncond’Huy : telle est ainsi l’ambition de ce réseau, qui s’est fixé comme objectif de signer, aux prochaines rencontres nationales de l’éducation populaire de Poitiers, fin mai 2024, deux ans après la première édition , une charte d’engagements réciproques associant l’État, des associations de collectivités, des élus locaux à titre individuel, les employeurs via leur organisation professionnelle, Hexopée, « ainsi que la Caisse nationale des associations familiales (CNAF) peut-être aussi », glisse Yann Renault.