Ille-et-Vilaine (1,08 million d’hab.) et CC de Saint-Méen Montauban (17 communes, 26 500 hab.), Montfort communauté (8 communes, 25 800 hab.) et CC de Brocéliande (8 communes, 18 600 hab.) Dans ses derniers rapports, la Défenseure des droits tire la sonnette d’alarme : en 2021, les réclamations auprès de l’institution ont augmenté de 18,6 %. Le signe d’une distanciation inquiétante entre la population et les administrations, alors que plus de 13 millions de personnes sont en retrait du numérique.
« Tout notre travail consiste à sortir de l’idée que les difficultés liées à la dématérialisation relèvent uniquement de l’éloignement du numérique, indique d’emblée François Sorin, chargé de recherche au sein du laboratoire breton Askoria sur la question du non-recours aux droits sociaux. De nombreux facteurs sont à prendre en compte. »
Afin d’objectiver ces facteurs, le laboratoire d’innovation numérique Ti Lab, financé par la région Bretagne et l’Etat, a lancé une expérimentation, pilotée par Pierre Mazet (lire p. 47), chercheur en sciences sociales, et François Sorin. « Le LabAccès lutte spécifiquement contre le non-recours aux droits sociaux lié à la dématérialisation, contextualise Benoît Vallauri, responsable du Ti Lab. Nous voulions mener de la recherche-action pour identifier des pistes. C’est comme cela qu’est né le projet Portrea [portrait territorialisé de la relation e-administrative] sur le territoire de Saint-Méen Montauban, en Ille-et-Vilaine. »
Forte implication
A l’époque, en 2019, une démarche est déjà en cours, menée conjointement avec l’agence du pays de Brocéliande, en Ille-et-Vilaine. « Nous avions signé une convention avec Askoria pour travailler sur l’installation de l’espace France Services, raconte Marie-Laure Gueguen, responsable du service “vie sociale” au sein de l’agence départementale. Il s’agissait d’étudier l’accès sur cet espace avec une designer de service. »
Un partenariat qui a évolué vers l’expérimentation Portrea. A ce moment-là, les agents du centre départemental d’action sociale ont été sollicités pour participer. « Les chercheurs du LabAccès ont observé le travail des agents et la circulation des usagers », indique Anthony Dréano, responsable de la mission « animation numérique et sportive » au sein de l’agence départementale.
Dans le même temps, les communautés de communes, dont celle de Montfort, étaient mises à contribution pour distribuer des questionnaires aux habitants. « Cela a nécessité une implication forte des collègues en contact avec le public, se souvient Yvane Pochon, directrice générale des services de la CC de Saint-Méen Montauban. Les retours nous ont permis de nous interroger sur des démarches qui nous paraissaient anodines. »
Après trois ans de travaux, le LabAccès a publié un Portrea sur le pays de Brocéliande. D’une part, il établit une cartographie des lieux et des ressources disponibles en matière de médiation numérique. D’autre part, il permet de connaître la vulnérabilité socionumérique des habitants. Portrea sera mis à jour régulièrement et deviendra un outil d’aide à la décision. « Nous voulions déployer des permanences en dehors de la maison France Services, explique Cédric Mottin, directeur du pôle “vie culturelle et sociale” à la CC Saint-Méen Montauban. Portrea va nous aider à choisir les communes prioritaires, selon le degré de vulnérabilité de la population. » Et les données objectives pour « convaincre les élus sur la nécessité d’instaurer des politiques, estime Anthony Dréano. La mise à jour des données nous permettra d’évaluer l’efficacité des politiques. »
Garantie scientifique
Place à présent à l’expérimentation sur d’autres territoires : « Les indicateurs proposés sur le pays de Brocéliande ne sont pas forcément pertinents ailleurs, précise François Sorin. Notre objectif est de travailler avec les acteurs locaux pour déployer une méthode adaptée. » Comme à Brest métropole (8 communes, 210 000 hab.), engagée dans la lutte contre le non-recours depuis 2018, en partenariat avec le département du Finistère.
« Nous avions déjà entamé le travail de coordination des ressources de médiation numérique sur le territoire, retrace Elisabeth Le Faucheur, cheffe de projets “inclusion numérique et accès aux droits” au sein de Brest métropole. Mais nous avions besoin d’une garantie scientifique pour disposer d’un indice de vulnérabilité des populations. »
Contact : Benoît Vallauri, responsable du Ti Lab, 02.99.27.14.67.
« Il faut apporter des modes de faire à d’autres collectivités »
Pierre Mazet, chercheur en sciences sociales, membre du comité scientifique LabAccès
« Au départ, il y avait le souhait de monter un observatoire du non-recours aux droits sociaux, dans le cadre de la dématérialisation, en Bretagne. Finalement, le LabAccès, au sein du Ti Lab, s’est constitué sur ce sujet principal, avec la volonté de faire de la recherche-action. Un travail était déjà en cours avec Saint-Méen Montauban sur l’installation de la maison France Services, avec Sabine Zadrozynski, designer de service. En poursuivant avec Portrea, l’objectif était de produire une cartographie des lieux de médiation numérique et un portrait territorial des fragilités socionumériques. Désormais, le LabAccès peut apporter des modes de faire à d’autres collectivités, pour les accompagner vers un “portrait territorial de la relation e-administrative“ de leur territoire. »
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