« Il faut aller plus loin que les normes ! Les actions menées avec les associations ne suffisent pas. » C’est sans désespoir et, même, avec beaucoup d’énergie que Francine Maragliano, conseillère communautaire déléguée chargée de l’accessibilité et des PSH de la CA Evreux portes de Normandie, fait ce constat. Pourtant, l’interco est à la pointe en matière d’accessibilité des services publics des PSH. Evreux s’est ainsi placée sur la deuxième marche du podium des Access City Awards en 2019.
L’interco a donc décidé de travailler avec le Cerema pour comprendre pourquoi le respect des normes et obligations légales ne suffit pas. En complément d’un diagnostic par ses agents, le Cerema a proposé à l’agglo d’organiser des parcours commentés dans quelques rues de la ville. « C’est une méthode qualitative, plus que quantitative », indique Marion Torterotot, cheffe de projet « ville accessible à tous » au Cerema Normandie-Centre. Le principe consiste à se promener en compagnie d’une personne en situation de handicap pour qu’elle explique, en cheminant, les difficultés de mobilité rencontrées.
Indication des lieux
Sylvain Grille, non-voyant et président du comité Valentin Haüy, a ainsi tenté de rejoindre le théâtre depuis l’arrêt de bus le plus proche, en suivant les rails de guidage installés sur le parcours. Les complications sont vite arrivées. « Avec les pavés, on perd le guidage, il faudrait une surface lisse de chaque côté du rail », regrette-t-il. En effet, en balayant sa canne blanche de gauche à droite, il hésite et rate la signalisation sensorielle au sol pour l’avertir du passage pour piétons.
Arrivé devant le théâtre, il poursuit son trajet car rien, au sol, ne lui indique qu’il est à bon port. Pire, le rail de guidage passe bien devant l’entrée, mais les trois derniers mètres jusqu’à l’entrée ont été oubliés… Sylvain Grille se retrouve donc devant la médiathèque, en sachant qu’il a loupé son objectif, seulement parce qu’il connaît bien les environs.
« La réglementation ne parle pas des problèmes d’indication des lieux sur le parcours », pointe Jean-Yves Fosse, chargé d’études « accessibilité et performance du bâtiment » au Cerema Normandie-Centre. Pour Francine Maragliano, il faudra trouver une solution, même si la loi ne l’impose pas.
« On peut toujours mieux faire ; un aménagement qui respecte tous les points légaux peut encore être ajusté, nuance Marion Torterotot. Il faut penser l’accessibilité sur la durée et pas seulement à la livraison d’un ouvrage. » La volonté esthétique d’une ville doit aussi être prise en compte, même si cela impose des compromis.
D’autant que chaque PSH compense son handicap à sa manière. Un non-voyant qui suit le rail sans le quitter rencontrera moins de difficultés avec les pavés que Sylvain Grille qui préfère balayer de gauche à droite le sol devant lui. « De toute façon, reconnaît celui-ci, lorsque l’on découvre un lieu, on a besoin d’être accompagné et d’avoir du temps pour apprendre à se repérer dans l’espace. »
Bruit de fontaine
Ainsi, pour savoir où est l’entrée de la mairie, il sait que la fontaine sur la place lui permet de trouver facilement les marches d’accès. « Je sais que je suis près, mais je n’entends pas la fontaine ! » dit-il quelques minutes plus tard. Effectivement, elle est arrêtée pour maintenance, ce qu’aucun des voyants participant au parcours n’a noté.
Elle sera remise en service un quart d’heure après, trop tard pour que cela aide Sylvain Grille. Il est déjà quelques rues plus loin, à expliquer que les nouvelles terrasses des cafés et restaurants, créées après le Covid, ont parfois caché les rails sur le trottoir.
Contact : Marion Torterotot, cheffe de projet au Cerema Normandie-Centre, dlab.dternc.cerema@cerema.fr
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