Les confinements que nous avons vécus ont mis en exergue un paradoxe : dans de nombreux cas, l’isolement forcé a eu plus d’impacts négatifs sur la santé psychique et physique des individus que la promiscuité subie. En effet, bien que la surdensité au sein des logements ait été pénible dans de nombreuses situations, se sentir soudés dans la difficulté a été majoritairement vécu comme sécurisant. L’appartenance à une famille ou à un collectif social a eu des répercussions positives directes sur la santé et la longévité des individus. Ce constat est aujourd’hui confirmé par les 4 000 personnes qui ont accepté de répondre au premier observatoire santé et qualité de vie urbaine. Son principe : transposer aux habitants d’une zone urbaine les grilles d’analyse des risques psychosociaux utilisés en entreprise pour conseiller les municipalités sous l’angle de la « santé psychologique » de leurs administrés. Testé en 2022, il aboutira en 2023 au label « Cité heureuse » qui décernera une à cinq étoiles à chaque ville qui souhaitera être analysée.
Irritants du quotidien
Une interaction en face à face libère toute une cascade de neurotransmetteurs qui favorisent la confiance, réduisent le stress, tempèrent la charge mentale, tuent la douleur et provoquent le plaisir. C’est pourquoi les taux de démence sont les plus bas parmi les personnes socialement engagées. Vivre dans le même espace résidentiel crée des habitudes, des rythmes, des usages et des référentiels communs chez les individus. Ces manières d’habiter se tissent et se développent au sein d’un même environnement jusqu’à former une « culture urbaine » commune aux résidents et usagers d’un quartier. Ces opportunités de se croiser régulièrement, donc de se protéger mentalement et physiquement, doivent être relevées, préservées et comprises afin d’aider les habitants à faire face aux « irritants » du quotidien : bruit, incivilités, etc. C’est pour cela que la psychologie urbaine a été créée.
Bien-être social et spatial
Protéger la « liberté urbaine », qui passe par le bien-être social et spatial, contribuer à sa mise en œuvre, et la mesurer objectivement est la vocation première de la psychologie urbaine. Outre l’agencement des espaces, il y a une multitude d’éléments de l’ordre du sensible et du spontané qui peuvent interagir avec le bien-être et le lien social en ville. Le meilleur exemple : les rites urbains, habitudes qui façonnent notre utilisation quotidienne de l’environnement immédiat, les parcours, les petites occupations qui prennent place jour après jour pour devenir régulières, rassurantes et jouer un rôle dans notre attachement à un lieu.
Il est donc essentiel d’imaginer des ensembles urbains qui favorisent le développement de ces habitudes vertueuses pour contribuer à l’amélioration de la qualité de vie urbaine. Il est nécessaire que les responsables des collectivités fassent appel à des psychologues urbains pour analyser, mesurer, comprendre puis diminuer les facteurs de risque et préserver les facteurs de protection. En fonction de leurs recommandations, les villes pourront favoriser l’épanouissement de leurs habitants et multiplier les conditions qui leur permettent de cohabiter harmonieusement dans un même lieu.
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