Sans cesse, l’émergence de nouvelles technologies remet en question l’environnement juridique de la création et de son écosystème. C’est le cas ces dernières années, avec les jetons non fongibles (JNF), plus connus sous leur acronyme anglais NFT (pour non fongible tokens),
Certes, hormis sur le marché de l’art contemporain, ces jetons sont encore loin d’avoir trouvé leur place dans le monde de la culture au quotidien et encore moins dans les services publics culturels.
Cependant « l’anticipation est […] plus que jamais une nécessité pour ne pas laisser apparaître et se développer des espaces dans lesquels le droit ne remplit plus sa fonction, entraînant alors des destructions de valeurs économiques et culturelles, souvent durables et considérables », souligne maître Jean Martin, président de la mission sur les jetons non fongibles, dont le rapport, commandé en novembre 2021 par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a été remis en juillet dernier.
Jetons non fongibles et inaliénabilité des collections publiques
Quelques applications commencent à émerger dans le cercle des musées de renommée internationale. Dans la lettre de mission adressée à Maître Jean Martin, Olivier Japot, président du CSPLA cite à titre d’exemple, « le musée russe de l’Ermitage [qui] propose sous forme de NFT la Madone Litta de Léonard de Vinci, les Lilas de Vincent Van Gogh, ou encore le Coin de jardin Montgeron de Claude Monnet.
Le phénomène des jetons non fongibles « suscite des interrogations importantes et nouvelles sur le plan juridique relevant à la fois de la propriété intellectuelle et de la technologie utilisée, portant sur l’originalité de l’œuvre ainsi « tokenisée », sur la titularité des droits et leur mode de gestion, l’application de cette technologie aux collections publiques qui se caractérisent par leur inaliénabilité », souligne notamment Olivier Japot.
Garantir un cadre équilibré et sécurisé aux usages des NFT
Dans son rapport, la mission sur les jetons non fongibles évoque les « importantes opportunités de développement des activités culturelles qu’offrent ces « objets juridiques non identifiés », aussi bien pour les acteurs publics que privés » (lire encadré).
Mais elle voit une condition préalable à la diffusion de ces « certificats numériques de droits » : « un travail commun de tous » pour élaborer « des lignes directrices de bonnes pratiques qui garantissent un cadre équilibré et sécurisé aux divers usages des “NFT”, avec en perspective leur rôle essentiel dans ce nouvel espace économique et culturel en expansion que sont les “métavers”. »
A ce stade, les rapporteurs n’apportent pas de préconisations concrètes. En revanche, ils passent en revue les points que ce « travail commun » devra passer au crible. Ce balisage du terrain les amène à examiner les opportunités que présentent les jetons non fongibles pour la culture ainsi que leurs dangers potentiels, et à esquisser les nombreuses de pistes de réflexion
Des potentiels qui concernent tous les secteurs culturels
Les usages culturels des jetons non fongibles ne se limitent pas à l’art numérique. Loin s’en faut. Cinéma, musique, édition, photographie, audiovisuel, musées et, plus globalement, établissements publics culturels sont concernés, soulignent les auteurs du rapport de la mission conduite par maître Jean Martin. Dans tous ces secteurs, « les JNF sont susceptibles de permettre une meilleure valorisation des produits culturels auprès de nouveaux publics, de renforcer les communautés d’usages, et donc d’offrir au secteur de nouvelles sources de revenus, génératrices de nouvelles potentialités de création. »
Références
- Rapport de la mission sur les jetons non fongibles
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