Le résultat des élections législatives du 18 juin force le Gouvernement à négocier les termes de la future Loi de programmation des finances publiques, et de fait, des modalités d’un éventuel retour de la contractualisation financière. On s’en souvient, la première génération de contrats, interrompue au début de la crise sanitaire, n’est pas exempt de toute critique : l’assiette des dépenses prise en compte était trop restreinte, le dispositif pénalisait les collectivités en croissance démographique, les dépenses encadrées se limitaient au seul budget principal etc. En somme, les nombreux écueils dont souffrait le dispositif rendaient inopérant cet outil instauré pour contrôler le volume des dépenses de fonctionnement des collectivités.
Une sortie de crise qui ne doit pas devenir une sortie de route
La santé financière de nos collectivités est saine. Elle a été préservée pendant la crise sanitaire et les recettes (DMTO, taxe foncière) restent dynamiques. Toutefois, cette situation pourrait rapidement se tendre face à l’inflation galopante, ce qui remettrait en cause à long terme, la nature des services que nous proposons à nos concitoyens.
La commune de Santes au sein de laquelle je suis élu propose divers services, une crèche, un centre de loisirs, et dispose d’une police municipale qui réalise un travail formidable. Le coût de ces services, estimé à près de 620 000€ par an, n’est pas négligeable pour une commune qui compte 5 760 habitants.
À l’image de Santes, mais également de toutes ces communes et collectivités qui proposent des services pour maintenir ou développer l’attractivité de leur territoire, le dynamisme des recettes est important, mais la marge de manœuvre budgétaire est essentielle.
Des interrogations sur l’avenir des finances locales
L’avènement d’une nouvelle génération de contrats financiers, différente de la première compte-tenu de l’inflation, est actuellement en discussion. Les élus s’interrogent sur le périmètre de cette nouvelle génération, et donc du nombre de collectivités qu’elle touchera. Pour rappel, les « Contrats de Cahors » s’adressaient aux 322 collectivités et EPCI dont le volume des dépenses réelles de fonctionnement dépassait 60 millions d’euros par an. Seules quelques collectivités, non concernées par le dispositif, avaient jugé utile de s’associer à la démarche.
Le Président de la République rappelait lors de l’élection présidentielle sa volonté de réaliser 10 milliards d’euros d’économies sur les collectivités. Sans rappeler les vieux souvenirs de la baisse unilatérale des DGF qui avait coûté près de 1 million d’euros à la commune de Santes entre 2013 et 2018, cette annonce est inquiétante quant à la contrainte qu’elle fera peser sur les finances locales.
Les risques d’une nouvelle contrainte sur les dépenses des collectivités
Contraindre l’augmentation des dépenses de fonctionnement, alors même que la dette des collectivités est financée et que l’attractivité des territoires est questionnée dans certains départements, reviendrait à pénaliser nos collectivités. Les élus locaux gèrent leurs finances en ayant toujours en tête que l’argent public est précieux, recherchant toujours les meilleures méthodes de financement pour le montage de leurs projets.
Nos élus locaux pensent à la gestion de leur territoire sur 20, 30 ans voire plus. Les Lois de programmation des finances publiques semblent à cet effet, incapables d’intégrer des enjeux aussi transversaux que l’attractivité d’un bassin de vie, la construction de logements, la proposition de nouveaux services publics etc.
La place centrale des collectivités territoriales dans la réponse des pouvoirs publics aux enjeux du 21e siècle implique de ne pas sceller leur sort à un outil, la Loi de programmation des finances publiques, qui a démontré ces dix dernières années, son incapacité à orienter durablement nos finances publiques. La Cour des comptes l’a encore souligné dernièrement.
L’élaboration d’un mécanisme à court terme est une contrainte superflue pour nos collectivités, alors même que la règle d’or est la garantie d’une gestion responsable des finances locales. La seule issue d’une nouvelle contractualisation financière serait, au mieux, de responsabiliser les quelques collectivités déviantes, et au pire d’amener les autres à « mourir en bonne santé ». Leur situation financière sera, certes, encore davantage maîtrisée, mais elles seront passées à côté de dépenses essentielles, pour la transition écologique ou pour l’attractivité démographique.
Laisser aux collectivités les faibles marges de manœuvre qu’ils leur restent
À l’aune du nouveau quinquennat et d’un mouvement des plaques tectoniques au sein du système local (suppression éventuelle de la CVAE ou économies de 10 milliards d’euros sur le dos des collectivités), une « méthode nouvelle » pour reprendre les mots du Président de la République, doit émerger.
Une méthode non plus fondée sur l’élaboration d’une contrainte contre-productive, mais prenant en compte les réalités, notamment démographiques, de territoires dont le dynamisme repose sur le renouvellement des populations. La commune de Cergy qui bénéficie d’un dynamisme démographique important reste un triste exemple des victimes de la première génération de contrats financiers.
Une méthode qui sort d’une logique purement budgétaire. Celle-ci échoue depuis tant d’années et qui continuera à échouer puisqu’elle n’est pas en mesure d’intégrer les complexités de l’écosystème local, ne tournant plus autour du seul budget de fonctionnement, mais se développant autour de multiples organismes locaux et satellites administratifs (SPA, SPIC etc).
Une méthode qui exploite les forces des collectivités en matière d’investissement, pour faire de ces acteurs les leviers des transitions écologiques et énergétiques. Le plan de relance et 3 son volet « rénovation de l’habitat » était pertinent en vue d’atteindre les objectifs en matière de réduction des émissions de GES dont la réalité se rappelle cruellement à nous, les canicules régulières que nous vivons en sont le triste exemple.
Les élections législatives n’ont pas permis au Gouvernement de disposer d’une majorité absolue, ce qui fragilise entre-autre l’objectif de 10 milliards d’euros d’économies. Les négociations que la majorité (relative) devra mener avec les autres groupes politiques, et notamment les députés LR, moins enclins à alourdir les contraintes sur nos collectivités, rebat donc totalement les cartes quant aux futures relations de ces dernières avec l’État.
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Contractualisation : un nouveau mode de gestion financière à l’épreuve
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