Une visite peu ordinaire a été organisée par l’AJIS fin juin. Celle de l’Ehpad « Stéphanie » de Sartrouville, gérée par la Croix-Rouge française (CRf), qui propose depuis 2017 une formule d’Ehpad hors les murs.
Derrière la porte du « Club » – (le nom local, moins stigmatisant, du pôle d’activités et de soins adaptés – Pasa), une petite dizaine de personnes assises autour d’une grande table rectangulaire terminent la revue de presse du jour.
« J’apprends plein de choses », se réjouit Jeanine, 91 ans. Comme elle, certaines vivent à demeure dans l’établissement, d’autres le visitent plusieurs fois par semaine, à l’image d’Amédée, installé dans son fauteuil roulant, qui précise avoir « 95 ans et demi ». S’il se réjouit des activités qu’il suit avec ses compagnons de l’Ehpad – la pâtisserie le lundi, la gym douce le mercredi, du quizz et de la musique le vendredi -, il affirme que « l’idéal, c’est de rester chez soi ».
Charnière domicile / Ehpad
Et c’est bien l’objet de Vivre@lamaison. Organisé sous la forme d’un dispositif renforcé d’accompagnement à domicile (DRAD), il est une charnière entre le domicile et l’établissement, en proposant de participer à des activités et de bénéficier des prestations de l’Ehpad tout en restant à domicile grâce à la mise en place des soins et de l’accompagnement nécessaires.
L’objectif est double : prévenir la perte d’autonomie et lutter contre l’isolement. Nathalie de Chaisemartin, psychomotricienne, ajoute que la formule « peut être une transition vers l’Ehpad ». Bernard, 76 ans et demi, précise en rigolant : « comme ça, je garde ma liberté et ça rassure ma fille et même mon ex-femme ».
Prise en charge coordonnée
Les personnes, classées en GIR 1 à 4, arrivent à l’Ehpad hors les murs, signalées par le service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou le service d’accompagnement et d’aide à domicile (SAAD) et contactées par l’Ehpad. Elles sont prises en charge 24h / 24 et 7j / 7 et bénéficient d’une téléassistance avec bracelet connecté et détecteur de chute.
Autour d’elles, les métiers de l’Ehpad, du SSIAD et du SSAD s’organisent et se coordonnent. Une astreinte infirmière est mise en place et les intervenants à domicile sont équipés d’accès mobile, par téléphone portable et tablette, au planning, au système de télégestion et à la fiche du bénéficiaire.
Ouvert pour 18 personnes à Sartrouville et 7 à Maisons-Laffitte, le service ne bénéficie aujourd’hui qu’à 7 hommes et 7 femmes, d’un âge moyen de 87,5 ans. « Les tensions RH empêchent d’augmenter ce nombre pour conserver notre niveau de qualité », explique Hélène Meilhac-Flattet, directrice du pôle gérontologique des Yvelines de la Croix-Rouge française.
Evaluation favorable…
Avant de devenir DRAD en 2020, au titre d’une expérimentation innovante de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, le modèle a été porté au sein de la Croix-Rouge française sous l’appellation Ehpad@Dom entre 2017 et 2019.
Nathalie de Chaisemartin et sa collègue, Céline Vallet, directrice des soins à l’Ehpad et coordinatrice de Vivre@lamaison, en ont assuré le développement et le suivi.
Financé par des fonds propres et des apports financiers d’autres partenaires (le conseil départemental et l’ARS ont laissé faire), il a été évalué dans le cadre d’une mesure d’impact confiée au pôle Santé de l’université Dauphine et du pôle Gérontologie de l’hôpital de Reims. Leurs conclusions, présentées dans un rapport final du 30 juillet 2020, sont favorables.
… pour les bénéficiaires et les professionnels
Du côté des personnes âgées et de leur famille, l’évaluation met en lumière la satisfaction des bénéficiaires, moins isolés grâce aux animations proposées et à l’implication des équipes, l’appui aux aidants et l’accès à l’expertise de l’Ehpad. « Le moment d’entrer en Ehpad est repoussé de 18 mois », résume Céline Vallet.
Du côté des professionnels, le bénéfice de ce travail rejaillit sur les soignants et accompagnants avec un double impact. Au plan organisationnel, les soins sont coordonnés avec une équipe dédiée – auxiliaires de vie, aides-soignants, infirmiers, psychomotriciens, psychologues, animateurs -, les postes SSIAD et Ehpad@dom sont mutualisés ; au plan RH, le modèle génère une forte motivation et implication des équipes, un faible taux d’absentéisme, un travail multidisciplinaire.
De 1 096 € par mois et par personne…
Sous sa forme actuelle de DRAD, l’Ehpad hors les murs « est bien financé », considère Hélène Meilhac-Flattet. L’Ehpad Stéphanie reçoit un forfait de 1 096 € par mois et par personne, en complément du financement des soins de la personne par l’Assurance maladie et des dotations ARS pour les prestations SSIAD, ainsi que de l’allocation personnalisée à l’autonomie.
Ce qui permet d’assurer : l’évaluation pour une éventuelle adaptation du logement à l’entrée dans le dispositif, le financement des professionnels non pris en charge par l’AM – psychomotricienne, ergothérapeute, psychologue, etc. -, la coordination des différents acteurs par une personne dédiée, l’astreinte infirmière, le dispositif de télésurveillance et le pack domotique, la mobilisation d’une chambre en accueil d’urgence 72 h au sein de l’Ehpad, la participation aux différentes activités hebdomadaires, animations et sorties ainsi qu’une partie du coût du transport accompagné entre le domicile et l’Ehpad.
… à 850 € avec le CRT ?
A la fin de l’expérimentation DRAD, ouverte jusqu’en octobre 2023, que se passera-t-il ? L’ARS des Yvelines a tenu un discours « rassurant », selon Hélène Meilhac-Flattet, « sans que l’on sache comment le modèle sera pérennisé ».
Dans l’intervalle, le Centre de ressources territorial (CRT) pour les personnes âgées aura éclos. Une certitude : il n’y aura pas de double financement en 2023.
Un chiffre circule dans les milieux bien informés : 850 € par mois et par personne âgée accompagnée de façon renforcée chez elle via le CRT…