Une famille de gens du voyage, expulsée mercredi 26 octobre 2011 du site marseillais où ils vivaient depuis 25 ans, a installé ses caravanes sur un parking voisin. Fort du soutien d’associations (1), ils avaient deux jours auparavant refusé d’obtempérer à la demande d’un huissier mandaté par la ville et la préfecture.
Bataillant depuis 2008 devant la justice pour obtenir un relogement adapté à leur situation, les membres de cette famille installée depuis 25 ans dans une friche industrielle s’efforcent de gagner du temps. « Ils ont trouvé par leurs propres moyens à louer une maison avec un terrain, mais celle-ci ne sera disponible qu’en janvier », justifie Alain Fourest, président de l’association Rencontre tsiganes. De son côté, la ville de Marseille, propriétaire du site, possède le soutien d’une partie des lois, mais bute sur l’absence de solutions qui lui permettrait d’éviter une nouvelle épreuve de force de plusieurs décennies si la famille s’installait à quelques mètres de son stationnement actuel.
Droit de propriété – En novembre 2008, le tribunal d’instance de Marseille et les juridictions d’appel se sont penchés sur les différents points de cette affaire. Les juges ont constaté l’occupation sans droit ni titre du site ainsi que l’aménagement sans autorisation de celui-ci. Au fil des années la famille a construit un chalet et organisé son espace de vie autour des caravanes. Mais l’exécution des sentences d’expulsion rencontre des difficultés du fait de l’absence de projets pour cette parcelle de la part de la ville propriétaire et de l’absence de perspective de relogements. Ne refusant pas par principe de déménager, la famille en lien avec le CCAS de Marseille a étudié et refusé plusieurs propositions de relogement en HLM incompatible avec son mode de vie et son habitat en caravane. La nature du relogement est en effet un critère décisif. Dans une autre affaire, le tribunal administratif de Clermont Ferrand a demandé aux services de l’Etat de proposer un terrain familial comme solution de relogement à une famille expulsée du site qu’elle occupait.
Accueil et habitat des gens du voyage – La ville de Marseille et le département des Bouches du Rhône n’étant pas à jour par rapport à leurs obligations d’organiser l’accueil et l’habitat des gens du voyage (loi du 5 juillet 2000), aucun terrain familial proposé dans le cadre du logement social n’est susceptible de pouvoir accueillir cette famille. Néanmoins, la ville, qui a obtenu de la préfecture l’appui de la force publique, a décidé de procéder à l’expulsion de cette parcelle précise. Elle devra cependant recommencer de nouvelles procédures, dans le cadre de la loi du 5 mars 2007, dans chaque nouveau site utilisé par la famille.
Enjeux politiques – « Ils pourraient attendre janvier afin que la famille puisse s’installer en toute légalité dans la location qu’elle a trouvée. Mais nous craignons que dans le climat de stigmatisation des Roms et des gens du voyage qui règne en ce moment à Marseille, les autorités en fassent une affaire symbolique », remarque Alain Fourest, intrigué par la soudaine accélération des procédures. Quelques jours auparavant, les associations qui soutiennent la famille avaient menée une campagne très médiatisée, dénonçant la stigmatisation des roms dans l’arrêt municipal interdisant la mendicité. De son côté, la mairie renvoie sur les associations la politisation de cette affaire. N’ayant pas constaté, depuis 25 ans, de troubles particuliers à l’ordre public, elle considère que ce cas particulier est géré sur un rythme normal sans lien avec les autres polémiques.
Références
Décision du tribunal de Clermont Ferrand sur le relogement en terrain familial
Loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
Loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Domaines juridiques
Notes
Note 01 Associations Rencontre tsiganes, Fondation Abbé Pierre, Ligue des Droits de l’homme Retour au texte