Risque d’incendie, exposition à des champs électromagnétiques, intrusion dans la vie privée qui amène certains à le qualifier de « Big Brother »… Le compteur communicant Linky a suscité moult polémiques tout au long de son déploiement, terminé pour l’essentiel en décembre 2021.
Ses détracteurs, particuliers déposant des recours et maires prenant des arrêtés ou faisant adopter des motions et délibérations, ont multiplié les tentatives d’entraver son installation. Jusqu’à invoquer l’article premier de la Constitution pour défendre le droit de chacun à l’accepter chez lui. En vain.
Les tribunaux ont, in fine, donné raison au gestionnaire de réseau de distribution d’électricité Enedis, qui a tenu son pari de poser 35 millions de boîtiers dans le calendrier imparti. Une « fierté », se félicite le coordinateur du programme, Hervé Champenois… en préférant ne pas revenir sur le passé. Cap sur l’avenir, proclame-t-il. Et celui-ci est pavé de bonnes intentions.
Une aide à la décision
« Il nous avait été demandé de télérelever et de mettre en service à distance, on le fait, de même que l’abonné peut désormais suivre ses consommations avec précision pour les maîtriser », énumère d’abord Hervé Champenois. En soulignant que si Linky est source d’économies pour son entreprise, « la finalité est bien le client ». Et notamment les collectivités, pour lesquelles la filiale d’EDF a développé des services.
L’un d’eux, « Prioréno », est mené en partenariat avec la Banque des territoires. Il constitue une aide à la décision pour « cibler la rénovation de tel ou tel bâtiment public ». Une soixantaine de territoires y adhèrent à ce jour. « Mon éclairage public » va, lui, alerter une commune en cas d’anomalie sur son parc. Il est actuellement opérationnel dans 670 territoires. Enedis propose aussi aux collectivités l’outil de cartographie « CapTen », rendant possible l’identification des zones les plus favorables pour le raccordement, par exemple, de production photovoltaïque ou de bornes de recharge pour véhicules électriques.
Jean-Luc Dupont, président du syndicat intercommunal d’énergie d’Indre-et-Loire (271 communes, 473 000 hab.), est depuis l’origine prudent, voire circonspect, quant à l’intérêt de Linky pour l’usager.
Il estime que si le nouveau compteur a permis à Enedis de diminuer ses charges de fonctionnement en supprimant des postes de relève physique, le bénéfice se fait attendre pour les autorités concédantes, qu’il représente (au sein de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, dont il est l’un des vice-présidents.). « J’ai été territoire expérimental en 2011 et je ne dispose toujours pas des données grâce auxquelles je pourrais mieux piloter mon réseau, s’emporte-t-il. Or, c’était censé être l’alpha et l’oméga du dispositif : on allait passer d’un mode curatif à préventif. »
Des soupçons
« De telles informations me permettraient d’anticiper des faiblesses, d’affiner mes stratégies d’investissement », poursuit-il. Et il soupçonne son concessionnaire de lui refuser délibérément ces informations « car elles ne témoigneraient pas forcément de sa performance… ». Ce que conteste Hervé Champenois, en plaidant un partage des rôles « au service de l’intérêt général ».
« Nous sommes au début du potentiel que le système Linky va libérer », promet-il. En mars, la Commission de régulation de l’énergie évoquait des « expérimentations prometteuses » et des « gains qui se sont encore insuffisamment matérialisés ». « Comme cela est dit pudiquement », commente Jean-Luc Dupont. En espérant que l’opération Linky ne se résumera pas, pour certains, au « remplacement d’un compteur bleu par un compteur vert ».
« Nous manquons de données pour avoir une approche prédictive du réseau »
Gérald Gallet, directeur général du Syndicat départemental des énergies de Seine-et-Marne (446 communes, 755 000 hab.)
« Nous expérimentons, avec trois communes, le dispositif Prioréno mis en place par la Banque des territoires et Enedis. Il aide à prioriser la rénovation de tel ou tel bâtiment public en s’appuyant sur des données de consommation d’électricité fournies par Linky et des éléments cartographiques.Nous aimerions accompagner nos membres de la même façon sur l’éclairage public, mais notre concessionnaire refuse de nous livrer les informations nécessaires, en opposant des arguments juridiques, car nous ne sommes pas le titulaire de l’abonnement. Nous manquons aussi de données de sa part concernant le réseau, dont nous sommes pourtant le propriétaire. Elles permettraient une approche prédictive de sa maintenance. Je ne désespère pas d’arriver un jour à développer cet aspect. »
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