A la suite de la réforme de la fonction publique de 2019, « les services de l’Etat qui n’avaient plus de médecins du travail nous ont contactés pour que nous prenions en charge leurs agents », relate Antoine Ameline, directeur des services du centre de gestion (CDG) de la Seine-Maritime. Une situation qui s’est rééditée un peu partout, la pénurie de médecins s’aggravant. Contrairement à d’autres, le CDG a répondu positivement parce qu’il avait « un service bien étoffé de neuf médecins, dont sept diplômés en médecine du travail, quatre infirmiers en santé au travail, trois ergonomes, trois ingénieurs “hygiène et sécurité” et une psychologue du travail ». Il suit 1 100 agents de l’Etat, en plus de 28 000 territoriaux, et continue de recruter.
Un interêt, découvrir des métiers
D’après Eric Esnault, médecin du travail du CDG de la Savoie, qui suit depuis quelques années la police nationale, les CRS, les personnels du parc national de la Vanoise et de l’Office national des forêts dans son département, l’intérêt est « de découvrir d’autres métiers, d’enrichir ses connaissances en suivant des professionnels qui, à l’instar des policiers, demandent beaucoup de doigté ». Pour ce CDG pionnier qui s’occupe d’agents de l’Etat depuis 2011 (un suivi autorisé par le décret n° 2011-774 du 28 juin 2011), le développement d’une médecine du travail inter - fonctions publiques est source d’attractivité. « Cela nous permet d’augmenter notre visibilité, de faire un travail d’équipe enrichissant et de recruter plus facilement d’autres médecins », se satisfait-il.
Le service savoyard comptant neuf médecins, dont quatre diplômés en médecine du travail, suit 16 000 agents, dont 10 % relèvent de l’Etat. « Cela met aussi les professionnels de santé à distance des employeurs, ce qui renforce leur indépendance », estime Eric Chaumard, directeur du CDG. Selon lui, « la pénurie de médecins appelle cette mutualisation », mais le déficit s’est tellement aggravé qu’un grand nombre de CDG se sont trouvés dans l’incapacité de prendre en charge des fonctionnaires de l’Etat, malgré des demandes pressantes, et même s’ils avaient déjà assumé cette fonction par le passé.
Une équipe pluridisciplinaire à disposition
Ainsi, en Haute-Garonne, « il y a dix ans, quand nous avions seize médecins, ils suivaient, en plus des territoriaux, les personnels de préfecture, du tribunal administratif, des compagnies de CRS, etc. », se souvient Colette Clamens, DGS du CDG. Le personnel médical ayant diminué de moitié, il s’est recentré sur les 22 000 agents de collectivités, affiliées ou non. A regret car, « au regard des services interentreprises de santé au travail, ceux du CDG ont l’avantage de bien connaître les statuts de la fonction publique et de mettre à disposition une équipe pluridisciplinaire », remarque-t-elle.
Des atouts que le CDG de la Nièvre a mis en avant pour créer, au 1er janvier 2023, un groupement d’intérêt public de santé au travail l’associant à la ville de Nevers, au département de la Nièvre, à la région Bourgogne - Franche-Comté et aux services de l’Etat pour prendre en charge 8 000 agents, dont 1 000 de l’Etat. Un pari ambitieux que peu de CDG relèvent. Selon la Fédération nationale des CDG, seulement douze s’étaient lancés dans cette voie en 2021, sur les 54 répondants à une enquête.
« L’accès à un médecin du travail qui connaît la fonction publique »
Carole Real, secrétaire générale de la direction interrégionale de la mer pour le secteur Manche et mer du Nord
« J’ai mené à bien le projet de prise en charge de nos agents de l’Etat en Seine-Maritime par la médecine du travail du CDG 76, nos collègues présents dans la Manche étant déjà suivis par le CDG 50. L’avantage est double : nous donner accès à un médecin du travail qui connaît la fonction publique – à la différence des services interentreprises –, ainsi qu’à une prévention collective des risques professionnels : visites sur site, conseils en matière de conditions de travail et d’ergonomie, participation à un CHSCT annuel, etc.
L’équipe étant pluridisciplinaire, avec médecins, infirmières, ergonomes et psychologue du travail, elle peut intervenir pour nos problèmes de dos, d’écran, l’aménagement de nos postes, et agir pour la qualité de vie au travail. »
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