Fin 2020, le système de location de vélos électriques avec option d’achat déployé par Rennes métropole était épinglé par la chambre régionale des comptes pour concurrence déloyale : quelle lecture faites-vous de cette affaire ?
La question de l’intervention d’une personne publique dans un secteur concurrentiel ne pose plus vraiment de problème depuis plusieurs décennies, et de moins en moins depuis un arrêt de 2006 ( CE, 31 mai 2006, req. n° 275531).
Malgré le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, il est légitime que des personnes publiques prennent en charge une activité économique du moment que la collectivité poursuit un intérêt public. Longtemps, il fallait prouver une carence de l’initiative privée. Aujourd’hui, ça reste un argument important, mais l’intérêt public peut aussi résider dans l’existence d’une aide, la fourniture d’un service différent de celui proposé par le secteur privé.
Il n’y a donc pas d’illégalité à ce qu’une collectivité territoriale aide économiquement la pratique du vélo ?
Non. Là où l’exercice peut devenir compliqué, c’est quand cette intervention fausse le libre jeu de la concurrence. Notamment si la collectivité ne met en place qu’un seul système d’aide, et avec un opérateur unique.
C’est-à-dire ?
Si, en parallèle, les collectivités territoriales instaurent un système d’aide à l’achat de vélos et laissent aux cyclistes le libre choix de leur fournisseur, à mon sens, il n’y a pas d’obstacle.
Dans l’exemple de Rennes, la critique pourrait être sérieuse s’il n’existait en effet qu’une seule solution pour bénéficier de l’aide : la location avec option d’achat, via Keolis. Car, dans ce cas, la collectivité favorise un type de vélos et un prestataire.
Le système est fragile non pas parce qu’il existe en tant que tel, mais parce qu’il n’est pas accompagné par une offre complémentaire, comme le font nombre d’autres métropoles en France. Même s’il s’agit d’une subvention affectée, et donc en partie cachée, la location longue durée de vélos avec option d’achat n’est pas choquante puisqu’il y a bien un intérêt public à le faire : favoriser le développement des mobilités actives.
Le problème, c’est lorsque cette aide n’est disponible que par le canal d’un seul opérateur et uniquement pour un certain type de vélos.
Si la collectivité ouvre plusieurs pistes, alors on lève les obstacles. D’ailleurs, on voit se multiplier les aides publiques à l’achat de vélos neufs, les demandes explosent et les collectivités ont du mal à suivre.
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